Michel et Nicole sont les heureux grands-parents de Simone (2 ans), et d'Henri (4 ans). Ils adorent leur rôle de grands-parents : gâter, jouer, dialoguer... sans avoir l'ingrate tâche d'encadrer! Mais voilà que ce rôle leur permet aussi d'observer les interventions des parents et de porter des jugements! Ils réalisent qu'ils ont plus de recul par rapport à l'éducation de leurs petits-enfants qu'ils en avaient pour leurs propres enfants. Ils trouvent que Sébastien et Isabelle sont un peu père poule et mère poule. Ces derniers s'inquiètent beaucoup des dangers qui guettent leurs enfants et ils ne les laissent pas aussi libres que les enfants des années 70 pouvaient l'être. Michel et Nicole se demandent quel effet aura cette surprotection sur le développement de leurs petits-enfants. Ils n'osent pas en parler à Sébastien et à Isabelle, car ils se disent qu'au fond, ils ont peut-être raison. Les temps ont changé et il est fort possible que les dangers qui guettent les enfants se soient multipliés...

Comme vous le savez sûrement, l'expression «mère poule» ou «père poule» est une façon mignonne de désigner un parent qui a à coeur la protection et la sécurité de son enfant. Certains peuvent percevoir cela comme une grande qualité, surtout quand il s'agit de protéger son enfant de dangers réels. D'autres peuvent percevoir cette attitude comme étant malsaine pour l'enfant, surtout lorsque le parent, dans son esprit, exagère la probabilité ou les conséquences de certaines situations potentiellement dangereuses. Il protège alors inutilement son enfant de situations peu dangereuses, et lui transmet ainsi le message que le monde extérieur est dangereux, et qu'il est incapable de l'affronter sans ses parents.

Il est important de comprendre que le rôle d'un jeune enfant est d'explorer son environnement, de découvrir la vie, et de prendre confiance en sa capacité de s'adapter à différentes situations. Il doit également développer une conception du monde qui l'entoure comme étant sécuritaire. Pour ce faire, il doit se «cogner» à la vie, et aussi obtenir le soutien, l'encouragement et l'encadrement de ses parents.

Mais quand le parent surprotège son enfant, l'enfant développe une conception de lui-même comme n'étant capable de ne rien faire sans son parent, et une conception du monde comme étant très dangereux. Il ne peut donc explorer son environnement et découvrir la vie avec autant d'aisance. Toute nouveauté ou situation imprévue deviendra une source de stress intolérable. Il aura de la difficulté à développer son autonomie et à se «décoller» de ses parents.

De plus, si le parent est surprotecteur parce qu'il est de nature anxieuse, l'enfant peut percevoir l'anxiété du parent, la ressentir même. Cette peur qui se développera chez l'enfant peut alors lui donner l'image d'un enfant fragile ou vulnérable, ce qui augmentera d'autant plus l'inquiétude du parent à son égard et sa tendance à le surprotéger... voyez-vous le cercle vicieux qui peut ainsi s'installer?

Prenons l'exemple d'une mère qui est anxieuse de laisser son bébé à la garderie. L'enfant, même en très bas âge, peut facilement ressentir l'anxiété de sa mère. Alors, il se sentira insécurisé et se mettra à pleurer. Ironiquement, les pleurs du bébé confirmeront faussement à la mère qu'elle a raison de s'inquiéter de le laisser à la garderie, et cela la rendra hésitante à le quitter. Ce que la mère ne sait pas, c'est que dès qu'elle aura quitté la garderie, l'enfant cessera ses pleurs et sera content de pouvoir jouer avec ses amis!

Ceci étant dit, ne pas protéger son enfant et se montrer négligent n'est pas mieux! L'enfant risque de vivre des accidents, des traumatismes qui le rendront tout aussi anxieux ou même plus anxieux que si son parent le surprotège.

Donc, dans un monde idéal, un parent doit :

- tenter de faire évoluer son enfant dans un cadre sécuritaire;

- l'encourager à prendre des risques sains et calculés en affrontant des petits défis (réalistes pour son âge);

- élargir les limites du cadre au fur et à mesure qu'il grandit et qu'il développe son autonomie... jusqu'à ses 18 ans!

Encore une fois, voilà un autre exemple du fait que le rôle de parent demande équilibre et nuance.