Poignardée, ligotée, enroulée dans une toile de plastique puis laissée pour morte au fond d'un bois, une femme de 24 ans était parvenue de peine et de misère à ronger son carcan avec ses dents et à s'enfuir, avant que ses bourreaux reviennent pour l'enterrer.

Cette histoire à faire dresser les cheveux sur la tête s'est produite le 19 août 2007 à Dudswell, petite localité située à une quarantaine de kilomètres de Sherbrooke. Dans une décision rendue il y a quelques jours, la Cour d'appel maintient les dix ans de prison imposés à André Filion, l'un des deux agresseurs dans cette sordide affaire.

Filion, un travailleur de la construction de 48 ans qui vendait aussi des stupéfiants, n'a pas poignardé la victime lui-même. Mais il avait promis un «gramme de poudre» à Brigitte Lavallée, 46 ans, si celle-ci «allait jusqu'au bout», c'est-à-dire qu'elle tuait Isabelle Beaunoyer. En plus d'avoir été l'instigateur de ce crime odieux, il a participé à l'enlèvement et à la séquestration de la victime, et a assisté, sourire aux lèvres, à son attaque sauvage à coups de couteau, apprend-on dans le résumé de la Cour d'appel.

Au terme de son procès, il a été déclaré coupable d'enlèvement et de tentative de meurtre. Brigitte Lavallée, l'exécutrice, qui était considérée comme la meilleure amie de la victime jusqu'au moment du drame, a pour sa part plaidé coupable aux mêmes accusations, et a écopé de huit ans de prison, en juin dernier.

Au moment des événements, Mme Lavallée, de même que Mme Beaunoyer, étaient amies et consommaient beaucoup de cocaïne. Au terme d'une soirée à laquelle s'est joint le fournisseur André Filion, il y a eu une dispute. Mme Beaunoyer a menacé de dénoncer Filion à la police. Mme Lavallée a alors pris Mme Beaunoyer par la gorge et l'a obligée à monter dans le camion de Filion. Filion a donc promis un gramme de poudre à Lavallée, si elle se «rendait jusqu'au boutte.» Ce dernier et Mme Lavallée ont amené Mme Beaunoyer dans un bois à l'arrière de la ferme des parents de Mme Lavallée, à Dudswell. Ils l'ont fait entrer dans une cabane de chasse.

L'enterrer tout de suite

À cet endroit, Mme Lavallée a permis à Mme Beaunoyer de fumer sa «dernière cigarette», puis elle lui a demandé où était son «coeur.» Après que Mme Beaunoyer lui eut montré où il se trouvait, Mme Lavallée a sorti un couteau et l'a poignardée à plusieurs reprises au thorax, puis dans le dos lorsqu'elle a tenté de se relever. Ensuite, elle lui a enlevé ses vêtements, ses souliers et la photo de ses enfants, puis elle l'a enveloppée dans une toile de plastique, qu'elle a attachée avec la courroie de son sac à main. André Filion a dit qu'il fallait l'enterrer tout de suite, mais Mme Lavallée préférait attendre le lendemain. Le linceul a été recouvert avec des branches en attendant. Après son arrestation, Mme Lavallée a assuré qu'elle avait agi ainsi pour protéger la victime des loups et des insectes.

Quoi qu'il en soit, après que le camion de Filion fut reparti, Mme Beaunoyer, toujours vivante, a rongé le plastique avec ses dents et a réussi à se rendre jusqu'à la maison des parents de Mme Lavallée, qui ont appelé une ambulance. Mme Beaunoyer est restée hospitalisée près de trois semaines. Elle a subi une perforation du poumon et une atteinte à l'aorte. Ses deux assaillants ont vite été arrêtés.

Mme Lavallée, qui était amoureuse de Filion, a témoigné au procès de ce dernier, et a pris tout le blâme. Selon ses dires, elle avait obligé l'homme à lui obéir. Mais le juge de première instance n'a pas cru cette version. Filion, qui en appelait du verdict et de la peine en Cour d'appel, a perdu sur toute la ligne.