Après les millénaristes qui se construisaient des bunkers à l'approche de l'an 2000, les phobiques de la fin du monde ne jurent plus que par la date fatidique du 21 décembre 2012. Et ils ont à leur service une puissante machine à rumeurs nommée internet.

Il y a deux semaines, Salomé Médam, préadolescente pimpante et enjouée de 13 ans, est arrivée chez son père avec un air d'enterrement. Devant la morosité inhabituelle de sa fille, son père, Yves, l'a questionnée sur ce qui la troublait tant.

Salomé lui a confié ses angoisses: «Je sais que tu vas trouver ça débile, mais j'ai peur de 2012. Tout le monde en parle à l'école et a l'air d'y croire. C'est en lien avec les Mayas. Je n'ai pas envie que ma vie s'arrête à 15 ans. Il va y avoir des tsunamis, des ouragans, des tremblements de terre, des cataclysmes naturels. C'est prévu pour le 21 décembre 2012.»

Une petite conversation sur les nuances entre le «marketing de la peur», la science-fiction, la paranoïa et la réalité a suffi pour apaiser les inquiétudes de Salomé. Selon Mike Kropveld, directeur général d'Info-Sectes, les jeunes adolescents comme Salomé ont depuis toujours été enclins à s'effrayer avec certaines croyances issues, par exemple, des films de science-fiction.

Mais le problème, avec 2012, c'est que certains adultes y croient aussi. Et pas les plus hippies ou ésotériques. Louis Valjean (nom fictif), jeune loup de la finance, établit une corrélation entre la fin de la crise financière, la quatrième année du mandat de Barack Obama, le règne démographique des baby-boomers, les leçons de la crise de 1929 et même les prédictions de Nostradamus, des Aztèques et des Mayas.

«Il s'agit bien entendu d'une opinion personnelle, mais beaucoup de gens sur l'internet parlent de choses énormes qui ont été prévues par Nostradamus pour 2012. Il a prédit que le troisième antéchrist allait arriver: il serait quelqu'un que tout le monde aimerait, un Prix Nobel de la paix», évoque le plus sérieusement du monde ce jeune homme d'affaires.

Prédictions apocalyptiques

En tapant «fin du monde 2012» dans Google, on a droit à un déluge de prédictions apocalyptiques. «Des astéroïdes (peut-être même une nouvelle planète) vont frapper notre planète ce jour-là.» «Le système trinaire sera apporté par des extraterrestres et viendra révolutionner toutes les connaissances scientifiques et mathématiques.» «L'argent n'aura plus de valeur et les échanges se feront avec des coquillages.»

Pour apaiser les angoisses de ceux qui croient à la fin du monde prévue dans le calendrier maya, l'astronome Robert Lamontagne a préparé une conférence dans laquelle il démontre que cette idée tient du délire.

«Ce qui est amusant, c'est qu'aucun texte des Mayas ne fait référence à ce soi-disant phénomène astronomique. En réalité, cette idée de fin du monde est tirée de livres parus il y a 25, 30 ans. Le premier d'entre eux s'intitulait Mexico mystique, un livre très «années 70/Nouvel Âge» écrit par un certain Frank Waters, prétendu expert de la société maya. Il avait ni plus ni moins fourni sa propre interprétation de ce que les Mayas avaient vu dans l'avenir.»

Selon l'astronome, la «machine à rumeurs» qu'est l'internet a alimenté cette phobie. «Rien n'a l'air plus sérieux qu'une page web: si c'est écrit, cela a l'air crédible. Mais sans un minimum de formation en sciences, on peut facilement se faire prendre au piège et devenir inquiet.»

C'est lors de la sortie du film 2012 (de l'Américain Roland Emmerich), l'année dernière, que Robert Lamontagne a monté sa conférence grand public pour rassurer les inquiets... et pour remettre un peu de plomb dans la tête des catastrophistes. «Quand on va à la boucherie du coin et que l'employé qui nous sert frôle la déprime parce qu'il est convaincu que ce sera la fin du monde et que la vie va disparaître, je me dis qu'il faut se questionner.»

De l'avis de Mike Kropveld, d'Info-Sectes, la paranoïa au sujet de 2012 est un pur produit de la croyance aveugle en des informations non vérifiées. «Souvent, les gens lancent des flèches dans le mur et peignent la cible ensuite.»