Répondant à un appel au sujet d'un homme suicidaire, les policiers ont trouvé l'individu un peu éméché, accourant à leur rencontre pour leur assurer qu'il s'agissait d'une blague. Les policiers sont quand même entrés dans sa maison pour vérifier. Et ils ont trouvé mille plants de marijuana qui poussaient dans le sous-sol!

Accusé de production de cannabis et de possession à des fins de trafic, Sylvain Allard, le faux suicidaire mais vrai producteur de cannabis, a été acquitté cette semaine en Cour du Québec, à Laval. Les policiers ont violé les droits constitutionnels de M. Allard à plusieurs égards, à commencer par le fait qu'ils n'auraient pas dû entrer chez lui, a tranché la juge Dominique Larochelle.

Les incidents dont il est ici question se sont passés dans la soirée du 22 mai 2007. Alors que M. Allard discutait au téléphone avec son ex-conjointe, il lui a dit qu'il allait se suicider. Inquiète, la femme a interrompu momentanément la communication, et a appelé la police de Rivière Nord. Revenant à sa discussion avec M. Allard, Mme Farmer l'a avisé de ne pas faire de folie, que les policiers étaient en route pour lui porter secours. Bien contrarié par cette nouvelle, M. Allard a rétorqué qu'il avait dit cela parce qu'il avait bu et qu'elle l'avait trompé. En raison de ses cultures au sous-sol, il ne voulait absolument pas pareille visite.

M. Allard a tenté de sauver la mise en allant à la rencontre des policiers. Il se trouvait à l'extrémité de son terrain, près de la voie publique, lorsque deux policiers de la SQ sont arrivés. Il a assuré qu'il s'agissait d'une blague. Malgré les objections de M. Allard, les policiers ont insisté pour faire des vérifications dans la maison. En entrant, les policiers ont fouillé le rez-de-chaussée et senti l'odeur caractéristique. «Qu'est-ce qu'on va trouver dans la cave, est-ce qu'on va trouver une plantation?» a demandé un des policiers.

«Bien oui», a répondu M. Allard.

Les policiers ont arrêté M. Allard et ils ont fait un appel pour obtenir un mandat de perquisition. Les policiers ont trouvé 1000 plants de tailles diverses, 18 livres de marijuana en vrac, 1 livre de cocottes, ainsi que l'équipement nécessaire à cette culture. M. Allard a ensuite été accusé.

Fouille et appel au 911

Me Gilbert Frigon, qui a représenté l'accusé dans cette affaire, a plaidé que les fruits de la perquisition devaient être exclus de la preuve parce qu'ils avaient été obtenus en contravention des droits de M. Allard. Il a aussi soutenu que l'arrestation était illégale. La Couronne a plaidé, de son côté, que les policiers étaient dans leur droit. Une fouille sans mandat est permise quand les policiers doivent enquêter pour des appels au 911. Cette permission est limitée et n'est pas valable dans n'importe quel cas, a cependant rappelé la juge.

«Il n'y avait pas d'urgence à entrer dans la maison et s'il était de l'intention de veiller à la sécurité de l'accusé, il aurait été davantage approprié de recourir aux services de santé», a noté la juge. La demande de perquisition était par ailleurs fondée sur des «renseignements inexacts et incomplets en faveur de la police», a indiqué la juge. Bref, elle a exclu la preuve parce que contraire à la Charte canadienne des droits et libertés, si bien que la cause s'est écroulée comme un château de cartes.