Un groupe d'anciens élèves du collège Notre-Dame qui disent avoir été victimes d'abus sexuels aux mains des frères enseignants dans les années 50 à 80 sollicitent la collaboration de l'établissement pour offrir des thérapies à l'ensemble des victimes.

Ce soutien «permettrait de commencer à mettre un baume sur les plaies», peut-on lire dans une lettre envoyée la semaine dernière à la direction du collège privé montréalais, que La Presse a obtenue.

La lettre est signée par un nouveau comité qui représente à ce jour une douzaine d'anciens élèves. À l'époque des abus présumés, des frères de la congrégation de Sainte-Croix - à qui appartient toujours le collège - assuraient alors l'enseignement.

En plus des thérapies, le comité demande à la direction d'écrire aux anciens élèves pour les aviser de l'existence du groupe de soutien. «Le collège a le devoir moral d'aider ses anciens à faire face aux conséquences des actes des religieux pédophiles», estime Robert Cornellier, directeur du comité.

La famille Cornellier a demandé la permission d'intenter un recours collectif au nom des élèves qui aurait été agressés entre 1972 et 2001. Le frère de Robert Cornellier, René, aurait subi les sévices de trois religieux lorsqu'il était pensionnaire du collège au milieu des années 70. Il est mort du sida en 1994.

La famille Cornellier ne l'a appris qu'en 2008. Une journaliste de la Gazette avait mis la main sur les lettres dans le cadre d'une vaste enquête sur les agressions qui auraient été commises par les frères de Sainte-Croix.

«Mon frère a vécu une vie déstructurée, a dit Robert Cornellier. Nous comprenons aujourd'hui que son passage au collège est probablement lié à cela.»

De lourdes conséquences

L'un des membres du comité, Jean-Marc Bélisle, se souvient parfaitement des premiers sévices qu'il aurait subis, à l'âge de 12 ans. Trente ans plus tard, il dit en vivre toujours les conséquences.

Alors pensionnaire, il dormait mal, la nuit. Le surveillant du dortoir, un laïc, l'aurait fait venir dans son bureau. C'est là qu'il lui aurait fait les premiers attouchements.

La fois suivante, le surveillant l'aurait forcer à lui faire une fellation. Jean-Marc Bélisle a résisté et menacé de le dénoncer à ses parents. «Cette agression a tout simplement brisé ma vie», résume M. Bélisle, qui habite à Laval.

Dans les mois qui ont suivi, il s'est refermé sur lui-même et a commencé à consommer de l'alcool et de la drogue. L'année suivante, le Collège l'a expulsé.

Ce triste épisode a eu un impact majeur sur ses liens familiaux et sur ses relations amoureuses, selon M. Bélisle, qui partage sa vie avec une femme. Il y a cinq ans, au terme d'une thérapie, il a réussi à cesser de prendre de la cocaïne.

Pierre (nom fictif), qui est cadre dans le monde des médias, aurait lui aussi goûté à la médecine d'un enseignant. Le frère l'avait convoqué à sa chambre sous prétexte de pratiquer des prises de lutte gréco-romaine. Lorsque le religieux aurait tenté de l'agresser, Pierre s'est débattu et a réussi à s'enfuir.

«Plus tard, j'ai appris que ce professeur aurait tenté le même stratagème avec deux autres pensionnaires de mon année, a-t-il dit. Imaginez combien ce frère, qui a enseigné pendant plus de 10 ans au collège, a pu faire de victimes...»

Pas d'excuses

Pierre se désole que la congrégation de Sainte-Croix n'ait jamais présenté ses excuses aux élèves. L'ordre aurait plutôt tenté d'étouffer l'affaire, selon une l'enquête publiée par The Gazette en 2008. En 1993, le collège aurait payé 250 000  $ pour acheter le silence d'un élève.

Au lieu d'être traduits en justice, la plupart des instituteurs en cause ont été mutés. Seul le frère Claude Hurtubise, qui enseignait les mathématiques, a fait l'objet d'accusations en 2006. Il a toutefois été acquitté en raison des versions contradictoires des anciens élèves.

Pour l'instant, le collège Notre-Dame n'entend pas offrir sa collaboration au comité de victimes, a indiqué Mylène Forget, porte-parole de la congrégation de Sainte-Croix. «D'ici à ce que le tribunal se prononce sur le recours collectif, nous n'allons pas entreprendre de démarches», a-t-elle dit.