Sergine André habite une merveilleuse villa dans le quartier La Boule, à Port-au-Prince. Sa terrasse offre une vue imprenable sur la capitale. Sa maison, construite au coeur de la forêt, est une oasis de fraîcheur. Mais depuis le 12 janvier, cette artiste peintre ne profite plus de son havre de paix.

Le séisme lui a pris son mari. Formé en sciences politiques, Gérard Lechevalier, 56 ans, fait partie des 92 employés de la MINUSTAH tués dans la catastrophe.

Sergine venait tout juste de lui parler au téléphone quand la terre s'est mise à trembler. Sa maison est intacte. Son fils est toujours en vie. «Mais j'ai perdu mon homme», soupire-t-elle. Depuis la mort de son mari, Sergine est incapable de mettre les pieds dans sa maison. «On l'a construite ensemble. Tout me fait penser à lui, dit-elle. Le sentiment de vide et de solitude est terrible. Une chance que j'ai mon fils.»

Le jeune Nathan, 8 ans, dort mal depuis le tremblement de terre. «C'est difficile de le consoler», dit Sergine, qui avoue prendre des médicaments «pour être capable de continuer à vivre».

Sergine raconte aussi que les démarches pour récupérer le corps de son mari sont oppressantes. «Je n'ai pas eu le temps de commencer mon deuil. J'ai perdu plusieurs amis. Mais je n'ai même pas eu le temps de m'en occuper. Qu'est-ce qu'on va devenir?» demande-t-elle.

Sergine est aussi en deuil pour son pays. «Le quotidien était déjà lourd en Haïti. Là, c'est encore pire. Je ne sais pas comment ça va se passer. Je ne sais plus. Mon mari m'avait fait rêver à un nouvel Haïti. Je me disais qu'on allait peut-être s'en sortir. On va peut-être le faire... Mais peut-être pas...»