Le nombre d'habitants de Port-au-Prince déplacés vers les villes de province pourraient atteindre le million, selon le bureau du président René Préval.

En entrevue avec La Presse, hier, au siège provisoire du Parlement, le conseiller ad hoc du président, Enex Jean-Charles, a estimé l'exode hors de la capitale à 800 000 personnes pour le moment, un chiffre qui sera toutefois plus près du million dans les prochains jours.

 

Convoqué devant les sénateurs pour une interpellation sur la gestion de la crise par le gouvernement, le premier ministre, Jean-Max Bellerive, a quant à lui dressé le bilan suivant, trois semaines exactement après le tremblement de terre: 200 000 morts, 492 camps éparpillés dans la capitale (que les autorités appellent ici joliment des «centres d'hébergement»), 300 000 blessés qui se sont présentés dans les cliniques et les hôpitaux.

La plus grande crainte ces jours-ci, dans la capitale ravagée, a ajouté M. Bellerive, c'est que les nuages qui recouvrent sporadiquement la région n'éclatent, baignant ainsi la ville dans une soupe nauséabonde et dangereuse pour la santé publique.

«Les gens font leurs besoins dans les rues. S'il y a pluie, cela risque de favoriser la propagation de maladies par l'écoulement», a sombrement expliqué le premier ministre Bellerive.

Comme si la situation n'était déjà pas suffisamment précaire en Haïti, une autre calamité plane: la pénurie de recettes pour l'État, qui ne sera prochainement plus en mesure de payer enseignants, policiers, personnel soignant et fonctionnaires.

Déjà, en temps normal (lire: sans tremblement de terre), le gouvernement haïtien est techniquement en faillite. Les employés de l'État sont régulièrement privés de leur salaire, parfois pendant des mois, mais l'assèchement des maigres recettes gouvernementales aggravera sans aucun doute la situation.

La situation financière du gouvernement se résume ainsi: budget de 2 milliards par année (à titre de comparaison, le ministère de la Santé du Québec accapare à lui seul près de 30 milliards, pour une population comparable), dont 1 milliard provient des taxes et autres recettes gouvernementales et l'autre moitié, de l'aide internationale.

Selon Enex Jean-Charles, la communauté internationale devra pallier la disparition des recettes gouvernementales, ce qui veut dire une note d'au moins 1 milliard de plus à très court terme.

Peut-être aussi un autre milliard, puisque l'État haïtien réclame l'annulation de sa dette (environ 1 milliard, quoique, pour ça comme pour le reste, ici, c'est flou).

«La première chose, c'est qu'Haïti a besoin d'aide humanitaire, mais l'État a aussi besoin d'assistance financière d'urgence, dit M. Jean-Charles. Nous aurons une baisse de recettes en raison de la catastrophe, mais l'État a tout de même des obligations.»

Dans le contexte déjà surchargé, une révolte de fonctionnaires non payés n'améliorerait évidemment pas les choses en Haïti.

Quant à cette rumeur voulant que le gouvernement français se soit engagé à payer pour la construction d'un nouveau palais national, M. Jean-Charles tempère: «Disons plutôt que l'ambassadeur français a fait une suggestion, mais je n'appellerai pas cela un engagement.»

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca