Marc Salvail, spécialiste des opérations d'urgence pour l'UNICEF, est actuellement à Port-au-Prince pour coordonner les opérations de recherche et d'accueil des enfants dont les parents sont morts dans le séisme. Il nous explique le rôle crucial de l'UNICEF lors de telles crises et les dangers qui guettent ces orphelins du séisme.

Q: Hier, l'UNICEF s'inquiétait de la disparition d'enfants d'une quinzaine d'enfants des centres de soins de Port-au-Prince. Croyez-vous que les réseaux de traite d'enfants soient à l'oeuvre?

 

R: Des enfants sont effectivement partis sans la documentation nécessaire. On n'a pas de chiffre exact sur le nombre d'enfants. Mais on ne parle pas encore de réseaux de traite à l'heure actuelle. Nous n'avons pas d'information à cet effet.

Q: Comment peut-on prévenir le rapt d'enfants?

R: Il faut mobiliser les communauté, mettre en place des brigades aux frontières, sensibiliser les policiers pour que les frontières et les aéroports soient contrôlés afin que les groupes d'enfants qui s'en vont soient munis de la documentation en règle.

Q: Comment fait-on, au milieu d'un tel chaos, pour repérer les enfants devenus orphelins?

R: Environ 80 employés de l'UNICEF sont actuellement à l'oeuvre en Haïti et nous travaillons en collaboration avec plusieurs ONG sur le terrain. Il y a des brigades de la protection de l'enfance qui agissent avec les autorités haïtiennes pour enregistrer les enfants dans les lieux où vivent les gens, dont les 500 camps spontanés, petits et grands, qui se sont formés à l'intérieur de Port-au-Prince. Déjà, il y a deux centres de l'UNICEF ouverts à Port-au-prince, où on accueille les enfants présumés orphelins. Nous avons de la place pour 900 enfants et il y en a présentement 220. L'étape suivante, c'est de déterminer qu'ils sont vraiment orphelins.

Q: Au total, combien d'enfants se retrouvent sans famille suite au séisme?

R: Avant le séisme, il y avait déjà 4000 orphelins enregistrés dans des crèches et des orphelinats de Port-au-Prince. Nous inspectons chacun de ces centres pour voir à quel point ils ont été affectés. Mais il est encore impossible de savoir combien de nouveaux orphelins s'ajouteront.

Q: Quel type de recherche fait-on pour retrouver la famille d'un enfant qui se retrouve seul?

R: Il y a beaucoup d'agences spécialisées dans ce type d'opérations. On peut mettre la photo de ces enfants dans les lieux publics. Des équipes mobiles sont aussi chargées de rapporter, dans les communautés, des cas d'enfants disparus. Certaines municipalités mettent aussi sur pied des centres de recherche.

Q: Est-ce qu'on réussit généralement à trouver des membres de leurs familles qui peuvent les recueillir?

R: On réussit très souvent à replacer l'enfant dans sa famille élargie, surtout dans une société comme ici où l'esprit communautaire est très développé.

Q: Dans beaucoup de pays occidentaux, le réflexe de plusieurs familles a été de vouloir adopter un petit Haïtien. L'UNICEF a au contraire recommandé de bloquer toutes les nouvelles adoptions. Pourquoi?

R: Il faut d'abord s'assurer que les parents sont bel et bien décédés, et si c'est le cas, qu'aucun autre membre de sa famille élargie n'est en mesure de s'en occuper. Le fait de retirer un enfant de sa communauté a un effet sur son développement. Il n'est pas toujours évident que ces enfants auront la capacité de s'adapter à un autre pays. La première socialisation d'un enfant, c'est sa famille, son village, sa communauté, son pays. Quand on retire l'enfant de tous ces noyaux, il peut certainement y avoir des impacts à long terme.

Q: Quand on a devant nous un enfant qui a perdu sa famille dans une telle catastrophe, qu'est-ce qu'on lui dit?

R: La première chose, c'est de le serrer fort dans nos bras, de lui dire que tout va bien et de lui donner les premiers soins. Par la suite, nous mettons en place tout un processus d'assistance psycho-sociale pour eux, soit par l'entremise du gouvernement ou des ONG sur le terrain.