Jean Charest s'est ouvertement étonné, dimanche, à Lyon, d'entendre les Français «glisser trop facilement vers les anglicismes».

Le premier ministre a fait cette remarque devant une centaine d'élus et d'universitaires venus assister aux entretiens Jacques Cartier. Le chef du gouvernement québécois a lui-même inauguré ces rencontres scientifiques quelques heures plus tard, après avoir reçu un doctorat honoris causa de l'Université Pierre Mendès-France de Grenoble.

Les Québécois reprochent souvent aux Français de truffer leurs conversations de mots anglais, mais on n'a pas souvent entendu un premier ministre exprimer le même avis dans un contexte officiel, en l'occurrence un déjeuner (dîner) offert par un ministre, Michel Mercier, également président du Conseil général du Rhône.

Comme la plupart des convives étaient des Québécois ou des amis du Québec, on peut penser qu'ils étaient tous plus ou moins de l'avis du premier ministre, mais il n'ignore pas que «les Français n'ont pas la même sensibilité que (les Québécois)» sur cette question.

«Je le relève chaque fois que je suis ici et ça m'étonne d'entendre autant d'anglicismes, a expliqué M. Charest un peu plus tard au cours d'un point de presse. Ca vient facilement dans le vocabulaire, dans la conversation (...) peut-être parce que c'est une mode et qu'en France, ça parait bien d'emprunter des mots de la langue de Shakespeare.»

Jean Charest n'avait pas d'exemples précis en tête. Sa remarque ne relevait «pas d'une affaire en particulier» mais d'un constat plus général. Les exemples ne manquent pas de toute manière: en fin de semaine, lui a fait remarquer un journaliste, le premier ministre a ainsi pris la parole devant des gens d'affaires sous une pancarte qui annonçait: «Boostez votre export».

Quant à la nouvelle signature de la Ville de Lyon (que Jean Charest ne connaissait pas), elle tient en deux mots: «Only Lyon». Certains y verront une intelligente anagramme, d'autres une nouvelle concession à l'anglomanie ambiante

«C'est frappant pour nous, les Québécois, parce que pour nous, c'est un combat de tous les jours, pour notre langue et notre culture. De toute évidence, ce combat n'a pas le même sens ici. Je pense que de temps en temps, il faut le dire et rappeler aux Français (...) que les anglicismes, il faut les éviter.»

Arrivé à Paris vendredi matin, Jean Charest a donc conclu sa visite en France en inaugurant la 22e édition des Entretiens Jacques Cartier, désormais présidés par l'ancien premier ministre Pierre-Marc Johnson. Juste avant, le premier ministre, portant une toge noire et rouge, avait reçu un doctorat honorifique le premier de sa carrière - pour sa contribution aux relations franco-québécoises.

Sept universitaires québécois, ainsi que le metteur en scène et dramaturge Wajdi Mouawad, ont aussi été honorés.