Les riverains de la région de North Hathley pourraient bientôt broyer du noir: une entreprise minière envisage de relancer une mine sise en plein coeur des Cantons-de-l'Est. Déjà des, résidants de la région promettent de se battre contre ce projet.

Une entreprise allemande projette de rouvrir une mine située en plein coeur des Cantons-de-l'Est, à quelques kilomètres à peine du village de North Hatley.

 

Dans la plus grande discrétion, Silver Capital AG mène depuis plusieurs mois des travaux de prospection minière sur des terres apparemment riches en zinc et en cuivre dans un secteur localisé à mi-chemin entre Sherbrooke et North Hatley, à un jet de pierre des lacs Magog et Massawippi.

Au moment où La Presse a commencé à s'intéresser au projet, il y a quelques jours, ni la Ville ni le gouvernement du Québec n'étaient au courant que des travaux de forage avaient eu lieu, pas plus que des intentions de la compagnie minière. La plupart des riverains non plus.

Mises au courant du projet, toutes les personnes rencontrées se sont montrées très inquiètes des dommages qu'une telle exploitation pourrait causer, incluant le député provincial de la circonscription, Pierre Reid.

On craint en effet l'impact environnemental qu'aurait une telle exploitation sur les lacs de la région, l'assèchement des prises d'eau des riverains, les coupes forestières, ainsi que les déplacements routiers provoqués par la réouverture d'une mine d'importance dans le secteur.

Exploration

Les droits miniers du secteur (appelés claims dans le jargon) appartiennent aux Entreprises minières Globex, une société québécoise qui a signé une entente avec Silver Capital en 2006, dans le but de permettre à cette dernière d'exploiter ces terres jugées prometteuses.

«Il y a là un contexte géologique très favorable, confirme en entrevue le président de Globex, Jack Stoch. Nous sommes en train de mener des travaux d'exploration en vue d'une possible réouverture de la mine.»

On trouve dans ce secteur (jadis canton d'Ascot, aujourd'hui arrondissement de Rock Forest, à Sherbrooke) de nombreuses mines désaffectées qui constituent la «propriété Suffield». S'y trouvent entre autres la mine Howard, la Silver Star ainsi que la Suffield, qui a connu de beaux jours à la fin des années 1800, puis de manière intermittente au milieu des années 1950.

Le site, visité par La Presse, contient d'ailleurs d'anciens vestiges de la mine. Sur un impressionnant promontoire qui permet d'apercevoir, d'un seul coup d'oeil, les monts Orford, Owl's Head et Jay Peak, on retrouve des fondations en béton, ainsi qu'un profond puits recouvert d'une dalle. À côté se trouve une vieille bâtisse à moitié démolie, qui a servi de repère à la bande de motards les Gitans, il y a une vingtaine d'années.

«Il y a déjà un puits de mine ainsi que trois ou quatre étages souterrains», précise Jack Stoch, une situation qui faciliterait le travail advenant la réouverture de la mine.

Selon des forages de prospection menés il y a 20 ans par la compagnie Noranda, la propriété Suffield contient une ressource historique de 540 000 tonnes, à des teneurs moyennes de 7% de zinc, de 0,9% de cuivre et de 0,5% de plomb. De l'or et de l'argent ont aussi été détectés.

Inquiétudes

Tout cela fait craindre le pire aux riverains rencontrés (voir autre texte), qui précisent que l'ancienne mine Suffield est aujourd'hui un immense réservoir d'eau auquel s'alimentent les propriétés avoisinantes. Certains font aussi valoir que le lac Magog est encore aujourd'hui pollué par les produits utilisés par les compagnies minières il y a 100 ans.

Mis au courant par un riverain il y a quelques jours, le député d'Orford, le libéral Pierre Reid, a vivement réagi. «Ce projet m'inquiète au plus haut point, a-t-il indiqué en entrevue. Il ne correspond pas du tout à la mission et à la vocation de la région. Si ce projet se confirme, c'est certain qu'on va tout faire pour l'empêcher.»

Du même souffle, cependant, l'ancien ministre reconnaît que «certaines entreprises sont douées pour trouver les failles dans la loi», ce qui leur permet parfois d'aller de l'avant malgré l'opposition des élus.

Le ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard, n'a pas commenté la nouvelle, renvoyant la balle à son collègue Serge Simard, ministre des Mines. Au cabinet de ce dernier, on s'est contenté de dire qu'il ne s'agissait, pour l'instant, que de «rumeurs».

Selon le ministère des Ressources naturelles, «le claim est un droit minier qui donne à son titulaire le droit exclusif de rechercher, pour une période de deux ans, sur un territoire délimité, toutes les substances minérales qui font partie du domaine public».

Chaque claim donne un droit d'accès à un terrain donné, où l'entreprise peut réaliser tout travail d'exploration. Le Québec s'appuie, pour la distribution des droits miniers, sur le principe controversé du «free mining» qui accorde «un accès le plus large possible au territoire, où le premier arrivé obtient avec son titre le droit exclusif d'y rechercher les substances minérales et l'assurance de pouvoir obtenir, sous certaines conditions, le droit d'exploiter les substances minérales découvertes.»

Tout projet d'exploitation doit au préalable recevoir les certifications environnementales nécessaires.

Pour joindre notre journaliste: francois.cardinal@lapresse.ca

 

25 mines en 100 ans

Selon le ministère des Ressources naturelles, la région comptait de nombreuses mines actives de 1850 à 1930. On y exploitait alors le cuivre, principalement. Puis une deuxième génération de mines a vu le jour entre 1950 et 1980, grâce à des relevés de géophysique et de géochimie. Au total, on a compté près de 25 mines en activité de 1850 à 1959, dont la mine Eustis, qui fut un temps la plus profonde au monde, atteignait en 1939 environ 2260 mètres.