Les voyages de l'ex-président du comité exécutif de Montréal, Frank Zampino, avec Tony Accurso, l'homme d'affaires dont l'entreprise a, par la suite, obtenu au sein du consortium GéniEau le plus gros contrat de l'histoire de la Ville de Montréal, relancent le débat sur l'éthique en milieu municipal.

Créer un commissaire à l'éthique indépendant du pouvoir permettrait d'établir des balises nécessaires pour éviter toute situation ambiguë.

 

C'est l'avis de l'Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées (IGOPP) et du Commissaire au lobbyisme du Québec. Ils répondent ainsi à la proposition faite cette semaine par le chef de l'opposition à Montréal, Benoit Labonté.

Selon lui, il faudrait que le commissaire à l'éthique, une fonction qui existe à Toronto et dans une moindre mesure à Longueuil, dépende du conseil municipal. Pour le Commissaire au lobbyisme du Québec, André C. Côté, il faut redéfinir les règles du jeu: l'encadrement éthique et déontologique des titulaires de charge publique «préoccupe» les citoyens.

«On arrive au point où, dans un passé récent, il y a eu quelques cas de figure qui nous amènent à penser qu'il y aurait peut-être lieu de redéfinir les règles du jeu, dit-il. Il y a beaucoup à construire dans le milieu municipal. Il est certain que la piste d'une entité indépendante est une piste intéressante.»

Mais au ministère des Affaires municipales, la ministre «fait confiance à ses élus et ne veut pas s'ingérer dans la vie publique municipale», a dit son attachée de presse, Louise Quintin.

Le directeur de l'IGOPP, Michel Nadeau estime quand même qu'il serait opportun de définir une politique à Montréal pour les questions d'éthique. «Il doit y avoir une politique sur ce qui est acceptable et ce qui n'est pas acceptable», dit-il.

M. Nadeau est revenu sur l'affaire des voyages de M. Zampino. Il dit qu'il est tout à fait normal que les élus aient des rapports avec des gens d'affaires. «L'important est que ces rencontres ne soient pas l'occasion de donner des avantages substantiels qui pourraient influer sur l'indépendance du jugement, dit-il. Le dirigeant, les cadres, M. Zampino, doivent demeurer libres dans leur jugement d'approuver les mandats, de donner les contrats au plus offrant, dans l'intérêt de la Ville.»

M. Zampino aurait-il dû se priver de vacances avec son ami à cause de ses fonctions politiques? «Lorsque vous êtes en période d'octroi de contrat, lorsque vous êtes dans une situation où il y a un processus d'appel d'offres en marche, vous devez faire très attention parce que même si vous croyez que vous demeurez indépendant d'esprit et que vous vous dites que ça vaut peut-être 1000$ pour une semaine sur un yacht, c'est la perception publique qui prévaut. L'opinion publique est très exigeante par les temps qui courent. La barre est très haute pour les gestionnaires des deniers publics. Vous devez être vraiment au-dessus de tout soupçon.»

Le fait que M. Zampino ait, tel qu'il l'affirme, assumé les frais de transport et de séjour de ses voyages rend-il la situation plus acceptable d'un point de vue éthique?

«Oui, s'il a payé toutes les factures. Mais le point c'est de demeurer indépendant d'esprit par rapport au fournisseur de services, dit M. Nadeau. Moi, si je vous invite au Subway, vous n'aurez pas l'impression de me devoir quelque chose. Mais si je vous invite au Casino et qu'on va manger chez Nuances, que je vous donne des jetons et que je vous paie le champagne, ben, vous allez me dire, je vous en dois une.»

Donc, quand on est un haut dirigeant, il faut être très prudent? «Les gens voient des complots. Ils veulent s'assurer que les décisions des gestionnaires publics sont prises seulement dans l'intérêt de la population et que les relations amicales n'interviennent pas.»

À la Ville, l'attachée de presse du maire, Renée Sauriol, dit que le maire Gérald Tremblay a décidé que la commission de la présidence, qui s'est penchée sur la question de l'éthique, va s'occuper de ce dossier dans les prochains mois. «Le maire a ajouté qu'il faudra regarder comment on pourra appliquer aux élus l'actuel guide de conduite destiné aux employés», dit-elle.

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