Les maires des villes de Longueuil et de Brossard, Claude Gladu et Jean-Marc Pelletier, ont exhorté hier le gouvernement fédéral à régler les graves problèmes de circulation dans l'axe du pont Champlain, à la suite des révélations de Radio-Canada sur l'état douteux de cette infrastructure vieille de 46 ans.

Tout en prônant des solutions diamétralement différentes, les maires des deux principales villes de la Rive-Sud desservies par ce pont ont demandé au gouvernement de «passer à l'action» et de le faire en toute transparence pour «rassurer les usagers sur l'état réel du pont Champlain».

Alors que le ministre fédéral des Transports, Lawrence Cannon, et la Société des ponts fédéraux, qui gère l'ouvrage, ont refusé de commenter le reportage de Radio-Canada, le premier ministre Stephen Harper, en campagne électorale à Kitchener, en Ontario, a assuré hier que «le pont Champlain est sécuritaire».

«Si le pont n'était pas sécuritaire, nous l'aurions fermé, a assuré Stephen Harper, en réponse aux questions des médias. La réalité est que nous faisons des inspections sur une base régulière. Nous avons des fonds pour le maintien et les réparations, qui sont là pour des problèmes qui existent.»

Le pont Champlain est le plus passant au Canada. Avec un trafic estimé à 58 millions d'automobiles et camions par année, pour une moyenne de 160 000 véhicules par jour, ce pont compte aussi une voie réservée aux autobus, qui transportent presque autant de monde (19 000 passagers) qu'une ligne de métro pendant les périodes de pointe du matin et du soir.

Inauguré en 1962, le pont Champlain a fait l'objet de travaux majeurs au début des années 90. À 46 ans, il s'agit d'une structure relativement jeune comparativement aux 78 ans du pont Jacques-Cartier, par exemple, ou à la structure originale du pont Mercier, qui aura 75 ans l'an prochain.

Pourtant, dans un reportage diffusé lundi à Radio-Canada, une étude d'ingénierie récente émettait des doutes quant à la solidité ou à la fiabilité de certains éléments majeurs de cette structure, et en particulier des poutres de rive, situées de part et d'autre du pont. Une fracture d'un mètre de longueur a ainsi été détectée sur une de ces poutres en 2007.

La fragilité des chevêtres sur lesquels reposent ces poutres et la corrosion avancée de l'armature d'acier qui renforce les éléments de béton du pont compromettraient aussi la fiabilité de l'ouvrage.

Hier, la Société des ponts Jacques-Cartier et Champlain - une filiale de la Société des ponts fédéraux - n'a pas voulu commenter les révélations de Radio-Canada. Elle s'est contentée de publier un bref communiqué qui reprend, en substance, les propos du premier ministre Harper.

Toutefois, la Société estime que «les études commandées nous aident à planifier les travaux d'entretien et à identifier les priorités et les budgets requis. Elles n'indiquent en aucun cas que le pont Champlain n'est plus sécuritaire». Pour le moment, il n'est pas question de publier les études citées par Radio-Canada.

Train ou tunnel?

Dans l'intervalle, les maires de la Rive-Sud ont réclamé hier que le gouvernement fédéral «passe à l'action» pour améliorer les conditions de circulation dans cet axe.

Le maire de Longueuil, Claude Gladu, a ainsi réclamé un train léger qui emprunterait l'estacade du pont Champlain. Cette infrastructure, construite à 300 m en amont, sert à protéger les piliers du pont de l'assaut des glaces au printemps et à prévenir l'érosion des îles Notre-Dame et Sainte-Hélène.

M. Gladu a clairement indiqué que ses administrés ne souhaitent pas de mesures temporaires ou transitoires.

«Ça fait 30 ans que nous vivons avec du temporaire, s'est-il exclamé hier. La voie réservée aux autobus sur le pont Champlain a été établie en 1978, en attendant des projets qui ne sont jamais venus.»

Pour sa part, le maire de Brossard, Jean-Marc Pelletier, a d'abord demandé aux autorités fédérales «de publier les études citées par Radio-Canada afin que le public soit rassuré sur l'état de l'infrastructure».

Il estime toutefois que, à long terme, il serait nécessaire d'augmenter le nombre de voies de circulation entre Montréal et la Rive-Sud. Aucune infrastructure routière majeure n'a été construite entre les rives du Saint-Laurent depuis 40 ans, et les problèmes de mobilité y sont devenus des freins au développement de la Rive-Sud, croit-il.

M. Pelletier estime donc que la construction d'un tunnel «bimode», avec des voies réservées aux transports en commun, devrait être préconisée à long terme dans l'axe du pont Champlain.

Le pont en bref

Chronologie

1955: Le gouvernement fédéral décide de construire un quatrième pont entre Montréal et la Rive-Sud.

1958: Le «pont de l'Île-des-Soeurs» devient le pont Champlain, en hommage au fondateur de la ville de Québec.

1962: Inauguration du pont Champlain le 28 juin. Le pont est à péage.

1967: Inauguration de l'autoroute Bonaventure, voie d'accès au pont Champlain.

1990: Abolition du péage, le dernier en vigueur au Québec, le 4 mai.

1993: Fin de la reconstruction du tablier, entreprise en 1990.

Données techniques

Nombre de voies: Trois dans chaque sens, séparées par un terre-plein.

Longueur: 3,9km sans les approches, ou 7,4km avec les approches.

Hauteur libre: 36,6m (120 pieds) au-dessus de la Voie maritime.

Coût original: 35 millions de dollars (approches incluses).

Coût estimé d'un nouveau pont: 1,4 milliard.

Transports collectifs

> Voie réservée aux transports en commun matin et soir, utilisée par 400 autobus par jour.

> Infrastructure non permanente.

> Entre 16 000 et 19 000 passagers par jour.

Circulation

> 58,2 millions de véhicules par année, dont environ 5 millions de camions (rapport annuel 2006-2007).

> Environ 160 000 véhicules par jour, en moyenne.