Les garçons qui ont comparu au tribunal dès l'adolescence risquent sept fois plus que les autres d'y retourner une fois devenus majeurs, particulièrement s'ils ont été placés en centre de réhabilitation.

Cette donnée témoigne de l'échec d'un système de justice qui n'a rien de dissuasif pour les adolescents, dit Richard Tremblay, coauteur d'une vaste étude québécoise sur la question*.

Professeur de pédiatrie, de psychiatrie et de psychologie à l'Université de Montréal, il a suivi au fil des ans 1037 garçons qui fréquentaient en 1984 la maternelle de l'une ou l'autre des 53 écoles les plus défavorisées de Montréal. Tous étaient francophones, de parents nés au Québec.

Entre l'âge de 10 et 17 ans, les mêmes questions leur ont été posées: au cours de la dernière année, avez-vous déjà frappé une personne qui ne vous avait rien fait? Avez-vous vendu de la drogue? Êtes-vous entré quelque part par effraction? etc.

Très tôt, les dés sont souvent jetés, indique l'étude: devant les tribunaux pour adultes, on retrouvera pour l'essentiel ceux d'entre eux qui, à 10 ou 12 ans, étaient déjà impulsifs et hyperactifs, commettaient de petits délits et dont les parents ne les encadraient pas adéquatement.

Devant le Tribunal de la jeunesse, «plus la peine est sévère, plus grande est la criminalité subséquente», «le placement en institution entraînant, et de loin, la criminalité la plus exacerbée».

Des peines inégales

La poule ou l'oeuf? Ces jeunes se retrouvent-ils davantage devant des tribunaux pour adultes parce qu'ils sont profondément délinquants ou parce que le juge leur a montré le chemin de centres où ils ont fraternisé avec encore plus délinquants qu'eux? Difficile à dire, admet Richard Tremblay.

Ce qui semble acquis, cependant, c'est le caractère passablement inconstant des peines prononcées contre les adolescents, comme le souligne l'étude de Richard Tremblay. En 1992, Revue canadienne de criminologie a publié un article de A.N. Dobb et L.A. Beaulieu, qui avaient présenté des cas d'adolescents délinquants à 43 juges canadiens, à qui ils avaient demandé quelle peine ils leur auraient donnée. Les résultats de leur enquête? Pour le même délit, des peines d'une sévérité très, très variable.

* Iatrogenic Effect of Juvenile Justice, Uberto Gatti, Richard E. Tremblay, Frank Vitaro, 2008.

Prévention

Quand un petit enfant mord un «ami» pour avoir son toutou, c'est normal. Quand deux petits garçons jouent à se battre, inutile de courir chez le psy. Quels sont donc les comportements des 5% à 10% d'enfants qui, tôt dans la vie, devraient être l'objet d'une attention particulière? «Les enfants qui recourent systématiquement à l'agression pour régler leurs problèmes devraient être vus par un professionnel», peut-on lire dans Prévenir la violence par l'apprentissage à la petite enfance, un document préparé par le Conseil canadien de l'apprentissage et qui fait une revue de la littérature en vue d'une conférence sur le sujet demain, à l'hôpital Sainte-Justine. Sans paniquer sur-le-champ, les parents devraient aussi ouvrir l'oeil si leur bébé est exagérément réactif, pas zen pour deux sous et si le moindre bruit, par exemple, l'empêche de dormir. À la maternelle, si un enfant multiplie les agressions, il y a lieu de s'inquiéter. Sont particulièrement à risque, peut-on lire, les enfants nés de mères jeunes, peu scolarisées, ou de parents qui ont eux-mêmes des comportements agressifs ou délinquants. Le rapport complet sera diffusé à compter de demain dans le site Internet du Conseil canadien sur l'apprentissage.