L'Agence métropolitaine de transport (AMT) devra payer près de 3,6 millions de dollars au Canadien National (CN) pour les droits de passage d'un train de banlieue qui n'a jamais existé.

Conformément à une décision arbitrale rendue en avril dernier dans le cadre d'un litige contractuel, l'AMT devra payer les droits d'accès qu'elle avait réservés pour un cinquième départ quotidien du train de banlieue de Mont-Saint-Hilaire, même si ce service n'a jamais été offert.

Cette obligation découle d'un contrat signé en 2000, qui devait débuter en 2002 mais dont l'entrée en vigueur a été reportée en 2005 parce que l'AMT ne disposait pas du matériel roulant nécessaire pour offrir le cinquième départ.

Début 2006, le CN a toutefois signifié un avis de défaut et de différend à l'AMT, ce qui déclenche automatiquement le processus d'arbitrage commercial. Le CN prétendait que, à l'expiration du dernier contrat temporaire, le 11 octobre 2005, le contrat permanent signé en 2000 entrait en vigueur.

L'AMT s'est opposée à cette façon de voir. La Cour supérieure a toutefois rejeté ses objections et renvoyé les deux parties à l'arbitrage, en août 2006.

Selon l'AMT, ce n'est qu'en avril dernier, soit plus d'un an et demi après la décision de la Cour supérieure du Québec, qu'un arbitre a conclu que le contrat signé en 2000 était bel et bien en vigueur depuis le 11 octobre 2005.

Depuis cette date, l'AMT paie donc au CN des droits d'accès pour cinq départs – et cinq retours – quotidiens du train de Mont-Saint-Hilaire.

Selon les données que l'AMT a fournies à La Presse, les droits d'accès pour ce cinquième départ s'élèvent à environ 1,2 million par année depuis octobre 2005, soit une moyenne de 100 000 $ par mois.

Au 1er octobre prochain, les droits d'accès non utilisés totaliseront 3 594 073 $.

Le blâme aux municipalités ?

Dans une entrevue accordée à La Presse vendredi, le président de l'AMT, Joël Gauthier, a affirmé qu'un cinquième départ quotidien pourrait être ajouté avant la fin du mois. Il a déploré que l'arbitrage commercial ait donné raison au CN au détriment de l'agence gouvernementale. Il a d'ailleurs reconnu que la décision d'offrir rapidement un cinquième départ sur cette ligne de train, après des années d'attente et de pénurie de matériel, est directement liée à la décision de l'arbitre.

«Tant qu'à payer des droits d'accès, aussi bien les utiliser», a-t-il affirmé à La Presse.

Joël Gauthier, qui dirige l'AMT depuis 2003, a rejeté une partie du blâme sur les municipalités desservies par le train de la Rive-Sud, qui se sont opposées, par le passé, à la création d'un cinquième départ.

«En raison des règles de financement des services de l'AMT, le coût de tout nouveau service d'autobus ou de train de banlieue doit être partagé entre l'AMT et les municipalités desservies, explique M. Gauthier. Dans ce cas-ci, il s'agit de Longueuil et des municipalités de la vallée du Richelieu, comme Mont-Saint-Hilaire, Saint-Bruno, Beloeil, Otterburn Park, etc.»

En 2004, lorsque l'AMT a présenté au gouvernement du Québec son plan d'amélioration des services de trains de banlieue, «nous n'avions aucune résolution des conseils municipaux disant qu'ils s'engageaient à assumer leur part des frais annuels d'exploitation des trains», a-t-il précisé.

L'an prochain, avec l'ajout d'un nouveau train, ces coûts annuels d'exploitation, qui sont de 12,5 millions de dollars cette année, vont bondir à près de 16,8 millions. Malgré cette importante augmentation, M. Gauthier affirme qu'il n'a toujours pas obtenu des municipalités la garantie qu'elles paieront leur part de la facture.

Vendredi, le porte-parole du Réseau de transport de Longueuil, M. Raymond Allard, a précisé que les coûts découlant de la décision arbitrale d'avril dernier devraient s'élever à environ 80 000$ par année pour la municipalité de Longueuil. Les municipalités de la vallée du Richelieu devront se partager une facture identique.

Une facture additionnelle sera ajoutée pour combler les importantes hausses des frais d'exploitation annuels, directement liées à la création du cinquième départ.

M. Gauthier a assuré que le nouveau train sera en service dès que les voitures et locomotives louées cet été à l'agence New Jersey Transit, au coût de 700 000$, seront prêtes.

Ce train transporte quotidiennement environ 6600 passagers (aller-retour) entre la Montérégie et le centre-ville. Avec l'ajout d'un cinquième départ, l'AMT estime que la capacité de la ligne pourrait augmenter de 50%, à près de 10 000 passagers par jour.