Le 6 septembre dernier, l'Orchestre symphonique de Montréal a donné un concert en plein air à Montréal-Nord. Une semaine plus tard, le chef Kent Nagano et sept musiciens de l'OSM se produisent dans trois villages du Nunavik. En ce début de la 75e saison de l'histoire de l'OSM, La Presse et Radio-Canada veulent souligner cette volonté de l'orchestre, encore plus manifeste sous la direction du maestro Nagano, de redonner à la société qui l'a vu grandir, en le nommant Personnalité de la semaine.

Kent Nagano a annoncé ses couleurs lors d'une allocution devant la chambre de commerce du Montréal métropolitain en 2004. Deux ans plus tard, au moment de faire ses débuts officiels comme chef de l'OSM, il a renchéri dans une entrevue accordée à La Presse: «Ma première responsabilité est de donner à l'orchestre un leadership artistique. Cela étant dit, dans le monde d'aujourd'hui, c'est impossible d'être isolé de la communauté, de la ville. Il faut participer à la structure sociale. Si elle ne correspond pas à la société actuelle, la musique risque de perdre rapidement sa pertinence.»

À ses deux premières saisons à la barre de l'OSM, Kent Nagano a conçu des programmes pour rendre hommage aux «héros» de chez nous, de Terry Fox au général Roméo Dallaire, en passant par les Glorieux. Et ce n'est pas un hasard si la toute première tournée de l'OSM sous son règne s'est faite au Canada. «À son arrivée, il m'a dit qu'il aimerait d'abord se présenter avec son orchestre au pays qui l'accueille, de Saint-Jean de Terre-Neuve à Victoria, en passant par Yellowknife, raconte Madeleine Careau, chef de la direction de l'OSM. Il voulait aussi aller dans le Grand Nord. Il y est présentement.»

En effet, depuis jeudi, Kent Nagano et sept musiciens de l'OSM sont au Nunavik, où ils donnent trois concerts dans autant de villages. Ils y jouent L'histoire du soldat de Stravinski, avec une narration en inuktitut, mais aussi un concert pour voix de gorge et orchestre commandé à une compositrice du Nunavik, Alexina Louie. Ils en profitent aussi pour rendre visite aux enfants dans les écoles.

Le concert du 6 septembre à Montréal-Nord a été organisé à la suite d'une conversation entre Kent Nagano et le maire de Montréal, Gérald Tremblay. Peu après l'émeute du 11 août, le maire avait mentionné au maestro qu'il faisait appel à la solidarité de tous les Montréalais pour ne pas isoler Montréal-Nord. «Nous, on peut faire de la musique», a répondu Nagano. «Ce samedi-là, l'orchestre était en congé; on a invité les musiciens sur une base volontaire, la machine s'est mise en branle et tout s'est organisé en deux semaines», explique Madeleine Careau.

Résultat? Une foule estimée par l'OSM à 7000 spectateurs (la police parlait plutôt de 10 000) a goûté à la musique de l'orchestre dirigé par Kent Nagano et de ses invités Alain Lefèvre, Luck Mervil, Monica Freire et Karim sans que la pluie, qui arrosait pourtant d'autres quartiers de Montréal, vienne gâcher la fête.

Ce geste de solidarité, l'orchestre l'a fait dans l'enthousiasme, mais sans prétention aucune. Il n'allait pas à Montréal-Nord pour régler des problèmes, mais pour établir des ponts avec cette communauté, dans une démarche d'inclusion, en faisant ce qu'il sait le mieux faire : jouer de la musique.

«Les gens étaient tellement contents qu'on soit là, tellement heureux de se retrouver entre citoyens de Montréal-Nord pour écouter paisiblement de la musique, prouvant ainsi aux autres Montréalais que Montréal-Nord peut accueillir des foules sans qu'il y ait de grabuge», dit Madeleine Careau.

«Ça fait partie de notre devoir d'aller voir les gens là où ils se trouvent, ajoute-t-elle. Notre programme dans les parcs existe depuis des années. L'OSM est subventionné par tous les ordres de gouvernement, le municipal, Québec, Ottawa. On reçoit beaucoup d'amour du public, de reconnaissance et d'argent depuis 75 ans, on peut redonner un peu aux gens gratuitement.»

«Kent Nagano a une vision large, il se préoccupe de l'éducation sociale, de la création, de l'actualité, de l'harmonisation entre les personnes. Il s'intéresse aux problèmes sociaux, sa façon de faire est éminemment moderne», nous avait dit le chef en résidence de l'OSM, Jean-François Rivest, en août 2006.

Quelques jours plus tard, Nagano a fait à La Presse cet acte de foi: «On croit que la musique peut toucher toutes les générations, les gens qui s'y connaissent peu, les mélomanes, les professionnels, les non-professionnels. Elle appartient à tout le monde. Il faut tout faire pour s'assurer que la prochaine génération hérite de cette tradition.»

En deux années, Kent Nagano et l'Orchestre symphonique de Montréal sont passés de la parole aux actes.