Jack Layton a rencontré l'équipe éditoriale de La Presse, aujourd'hui. Premier chef de la campagne électorale à nous accorder une entrevue, le néo-démocrate a critiqué le Tournant vert des libéraux et s'est défendu des comparaisons avec le Bloc québécois. L'homme a aussi parlé des rêves de son père, lui-même politicien, à l'avant-garde sur les questions écologiques.

L'ex-ministre péquiste Jacques Brassard peut bien dire ce qu'il veut, le Bloc québécois n'est pas un clone du NPD, assure Jack Layton.

« Nos partis ne sont pas des clones, pour la simple et bonne raison que Gilles Duceppe, lui, ne peut pas se présenter au poste de premier ministre», a insisté le chef néo-démocrate, hier, en entrevue avec l'équipe éditoriale de La Presse.

Dans une chronique publiée mercredi, l'ancien ministre péquiste Jacques Brassard reprochait au Bloc québécois d'avoir transformé la défense des «intérêts québécois» en un «bric-à-brac idéologique de la gauche» basé sur l'interventionnisme étatique, l'égalitarisme, le pacifisme, l'écologisme, l'anti-américanisme. «Le Bloc (est devenu) le jumeau du NPD», écrivait-il.

Quoi qu'en dise M. Brassard, pour Jack Layton, d'importantes différences persistent entre son parti et celui de Gilles Duceppe. «Sur le plan des idéologies, je dois rappeler que Gilles Duceppe a appuyé deux budgets du gouvernement Harper et lui a donné une quinzaine fois son appui lors de votes de confiance», a-t-il insisté.

Souvent accusé par le Bloc d'être en faveur d'un gouvernement fédéral très centralisateur, le chef du NPD assure que la position de son parti a évolué à cet égard, particulièrement depuis qu'il a tenu son congrès national à Québec, en 2006. «Nous ne sommes pas centralisateurs. Un exemple qui le prouve : nous avons déposé (pendant la dernière session) un projet de loi pancanadien concernant les garderies. C'était un programme pour l'ensemble du Canada, mais nous avons proposé une clause donnant la possibilité de retrait pour le Québec avec pleine compensation. Le Bloc a même voté en faveur de ce projet de loi, qui s'est rendu en troisième lecture», a expliqué M. Layton.

Le marché pour l'environnement

De passage à Montréal pour présenter le plan environnemental du NPD, le chef néo-démocrate s'est aussi longuement attaqué au Tournant vert de Stéphane Dion et à sa taxe sur le carbone, qui servirait à financer divers programmes sociaux.

Le NPD, contrairement au Parti libéral, s'oppose à la création d'une telle taxe. «La taxe sur le carbone, ce n'est pas efficace. On prend l'argent dans une poche, et on la met dans l'autre sans que les changements qu'on cherche surviennent», soutient le chef néo-démocrate.

«Ce qu'il faut, c'est que l'argent soit investi dans la solution», plaide-t-il.

Le Nouveau Parti démocratique croit plutôt en une réduction des émissions de gaz à effet de serre par la création d'un marché des droits de polluer (Cap and Trade). Grâce à ce mécanisme, le gouvernement fixe le seuil global maximum d'émissions de gaz à effet de serre et accorde à chaque entreprise polluante un quota d'émissions. Les entreprises qui souhaitent dépasser ces quotas doivent racheter de nouveaux permis sur une Bourse nationale. «Le marché, c'est un outil, une création de l'humanité qui a une utilité très, très grande. Pourquoi ne pas l'utiliser ? C'est un système qui fonctionne bien en Europe. On donne le choix aux grands pollueurs : soit ils réduisent leurs émissions en investissant dans des technologies plus propres, soit ils paient plus cher pour le droit de polluer.»

L'argent récolté par les gouvernements par la vente des crédits de pollution serait réinvesti dans les transports en commun, dans l'amélioration de l'efficacité énergétique et dans la création d'emplois environnementaux. «Nous présenterons des programmes pour que les gens, avec cet argent, puissent avoir accès à des automobiles qui consomment peut-être 50 % de moins. Nous allons aussi présenter un programme pour aider les gens à rénover leur maison même s'ils n'ont pas l'argent pour le faire. Ils rembourseront avec les économies d'énergie qu'ils feront», explique M. Layton.

Dans le cadre de son plan vert, le NPD imposerait un moratoire sur les nouveaux projets d'exploitation des sables bitumineux en Alberta. «La destruction de l'environnement est terrible. Du haut des airs, on voit les ruisseaux toxiques qui descendent dans l'Arctique. Ce qu'on dit, nous, c'est qu'on ne peut pas continuer de donner des permis d'exploitation aux pétrolières sans avoir un plan qui précise comment on va nettoyer tout ça après», explique M. Layton.