Une sorte de diva des gangs de rue, Chenier Dupuy, s'est retrouvé à l'hôpital, hier, à la suite d'une violente bagarre impliquant deux clans de petits criminels réunis au Solid Gold, un populaire bar d'effeuilleuses du nord de la ville sous la coupe de la pègre italienne.

Sorti de prison le week-end dernier, Dupuy aurait été blessé à la tête, peut-être à l'aide d'un bâton de baseball. À l'instar des trois autres belligérants interpellés par la police, il a choisi de retenir sa langue. Âgé de 32 ans, il s'est fait un nom au sein des Bo-Gars, de la famille des Bloods (rouge). Dupuy a un long casier judiciaire, et il lui est interdit à vie de posséder une arme à feu.

Il semble, selon la police, que Dupuy ait été pris à partie à l'intérieur du cabaret du boulevard Saint-Laurent au cours d'une rixe qui a suivi un vol de bijoux. «On ne connaît pas le nombre exact de belligérants, si ce n'est que quatre d'entre eux ont été épinglés dans le voisinage du bar», a déclaré un porte-parole de la police de Montréal, Olivier Lapointe. Au moins un coup de feu a été tiré, mais personne n'a été touché. Aucune arme n'a été retrouvée.

Faute de collaboration des témoins, les enquêteurs en étaient encore, en fin de journée hier, à tenter de comprendre ce qui s'est passé. L'affaire impliquerait des gangs de rue, «mais il est difficile de savoir qui sont véritablement les assaillants et les victimes», de dire M. Lapointe. La violente bagarre a éclaté peu après 1h du matin. Deux des personnes interpellées étaient à bord d'une voiture et allaient prendre la fuite, tandis que Dupuy et un acolyte se trouvaient dans un resto-rapide situé juste à côté du vaste immeuble de deux étages qui abrite le Solid Gold, à la hauteur de l'autoroute métropolitaine.

Dans sa publicité, le Solid Gold se targue de présenter des danseuses de toutes les nationalités et surtout d'avoir été le premier bar du genre à offrir des danses contact à sa clientèle. Emprisonné depuis deux ans, Moreno Gallo, figure dominante du clan calabrais, a déclaré devant la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) y avoir déjà travaillé comme gérant, à la fin des années 90. L'endroit, indique le rapport de la CNLC, appartient «à une famille influente de la mafia italienne». En 1999, un employé avait été victime d'une tentative de meurtre dans un terrain de stationnement adjacent à l'établissement. Tony Mucci, désigné comme le bras droit de Moreno, y a été vu à plusieurs reprises aussi.

De prime abord, la police ne croit pas que l'incident de la nuit d'hier soit lié aux affrontements sanglants opposant les gangs de rues à la mafia pour le contrôle de certains bars et petits cafés italiens de l'est de Montréal. Latent depuis quelques années, le conflit s'est envenimé depuis la rafle policière de novembre 2006, qui a décimé le clan sicilien des Rizzuto, en force à Montréal depuis près de 30 ans. «Les gangs de rues n'ont rien à perdre, et ils profitent du désarroi des Italiens pour tenter de s'accaparer une part du gâteau», avancent les experts du crime organisé de la police de Montréal.

Pas plus tard que vendredi soir dernier, des individus que l'on présume associés à des gangs de rue ont été la cible de tirs après avoir cassé des vitres et semé le trouble au bar Bellavista, dans l'arrondissement de Rivière-des-Prairies. Un inconnu sortant du bar a tiré cinq coups de feu en direction de la voiture des fuyards. Il n'y a pas eu de blessé.

Avec la collaboration de Marcel Laroche