Une représentante du gouvernement du Canada s'est plainte, il y a quelques mois, que ses efforts visant à fournir des soins appropriés au détenu Omar Khadr à Guantanamo avaient été contrecarrés par les autorités américaines qui veillaient à sa détention, selon des documents récemment rendus publics.

Des comptes rendus - jusque-là gardés secrets - de visites effectuées par une représentante du ministère canadien des Affaires étrangères tendent à démontrer que des demandes aussi mineures qu'un oreiller, une couverture ou des lunettes de soleil ont été rejetées pour des motifs de sécurité.

«Plusieurs requêtes de la part d'Omar et de représentants du gouvernement canadien tombaient dans l'oubli, étaient ignorées ou n'étaient pas traitées dans un délai respectable», a écrit Suneeta Millington après avoir rendu visite à Khadr, au printemps.

Les documents, dont La Presse Canadienne a obtenu copie, ont été présentés en cour cette semaine, alors que le gouvernement fait face à une poursuite visant à forcer le premier ministre Stephen Harper à demander le retour de Khadr au Canada.

Maintenant âgé de 21 ans, Khadr devait subir son procès le 8 octobre en rapport avec des crimes de guerre qu'il aurait commis en Afghanistan alors qu'il était âgé de 15 ans. Cependant, un juge militaire américain a remis le procès jeudi à une date indéterminée.

Les autorités américaines l'accusent d'avoir lancé une grenade qui a causé la mort d'un soldat américain après un bombardement et un combat armé d'une durée de quatre heures en juillet 2002 en Afghanistan.

Khadr a été grièvement blessé lors de cet affrontement, et il en souffre encore aujourd'hui. «Les éclats d'obus sortent graduellement du corps d'Omar, a rapporté Mme Millington après sa visite effectuée en juin. La semaine précédant mon arrivée, un autre éclat d'obus, dans l'oreille gauche d'Omar, est sorti de sa peau.»

Les documents démontrent également que les autorités américaines ont ignoré

les requêtes d'Ottawa, dont certaines remontent à 2003, afin que Khadr soit détenu dans une prison pour mineurs.

Nate Whitling, l'un des avocats canadiens de Khadr, a soutenu jeudi que les documents constituaient une autre preuve que M. Harper a menti aux Canadiens au sujet du traitement réservé à Khadr.

«Tel que l'a estimé la Cour fédérale, Omar n'est pas traité humainement, a affirmé Me Whitling, joint à Edmonton. Il a été torturé par les autorités américaines alors qu'il était encore un enfant, et le gouvernement Harper a tout fait pour cacher cette information, afin de ne pas nuire à l'administration Bush.»

Bien que Khadr soit le seul détenu provenant d'un pays occidental à Guantanamo, M. Harper a toujours refusé de se mêler du dossier, plaidant que la commission militaire américaine devait compléter les procédures.

Peu de temps après le déclenchement de la campagne électorale, le chef libéral Stéphane Dion a accusé M. Harper d'être un «mandataire» du président américain George W. Bush.

Les comptes rendus de la représentante des Affaires étrangères donnent un aperçu de l'anxiété et de l'état d'esprit de Khadr en vue de son éventuel procès. «Je suis ici depuis six ans. J'ai perdu mon enfance. Que veulent-ils encore obtenir de moi?», a laissé échapper Khadr pendant l'une des visites.