Le diocèse de Montréal octroie une bourse d'études en droit canonique à un prêtre condamné plus tôt cette année pour pédophilie. La nouvelle, annoncée parmi de nombreuses nominations au bas du «courriel du mercredi» 3 septembre du cardinal Jean-Claude Turcotte, a suscité l'étonnement. Certains y voient en effet une promotion.

En février dernier, l'abbé Philippe de Maupeou, 48 ans, a été condamné à six mois de prison avec sursis pour avoir agressé sexuellement une petite fille de 8 ans, en 2002. M. de Maupeou, qui était le curé de la paroisse de l'Immaculée-Conception dans le Plateau-Mont-Royal à Montréal, était membre de la Communauté du pain de vie.

Lors d'un séjour dans un camp de vacances avec les enfants de cette communauté, il a caressé la vulve et les seins de la fillette. La mère a porté plainte à la police, ce qui a entraîné la mise en accusation. Une deuxième fillette a déclaré avoir été touchée par le prêtre. Les policiers ont déterminé qu'il avait commis des gestes déplacés, mais pas au point d'entraîner des poursuites judiciaires.

L'abbé a plaidé coupable et a reçu sa sentence : pendant les trois premiers mois, il devait rester chez lui, sauf pendant les heures de travail et les célébrations religieuses. Il pouvait aussi sortir de chez lui pour faire ses emplettes le samedi après-midi. Pendant les trois mois suivants, il devait rester chez lui de 21 h à 6 h du matin. Cette peine s'est terminée le 26 août. Depuis il est en probation.

Le diocèse de Montréal ne l'a pas congédié, mais a décidé de ne plus lui confier de fonctions auprès de la population. Il lui octroie une bourse annuelle d'environ 20 000 $ pour aller étudier le droit canonique à l'Université Saint-Paul à Ottawa, la seule au Canada qui enseigne cette discipline.

«Une bourse d'étude est normalement une promotion pour un prêtre méritant ou promis à un brillant avenir», s'insurge une lectrice qui a écrit à La Presse en signant simplement «une diocésaine outrée». «Quand on nous sollicite pour la campagne annuelle du diocèse, cela revient à payer des études à un prêtre pédophile qui n'a pas assez de cran pour quitter le sacerdoce.»

Joint hier à Ottawa, Patrick Cogan, professeur à la faculté de droit canonique de l'Université Saint-Paul et rédacteur en chef de la revue Studia Canonica, a dit que les prêtres qui profitaient d'une bourse de leur diocèse pour étudier le droit canonique jouissent généralement de la confiance de leur évêque.

«C'est une forme de promotion, a-t-il dit. Au départ, le programme dure trois ans. L'évêque a probablement besoin que des personnes de son diocèse reçoivent la formation pour l'administration du diocèse... L'évêque a confiance (dans les personnes qu'il envoie à l'université) et sait qu'elles ont les aptitudes voulues.» Selon M. Cogan, seulement une fraction des membres du clergé, moins de 10 %, ont un diplôme en droit canonique, qui permet d'occuper les plus hautes tâches administratives dans les diocèses, et notamment de présider les tribunaux religieux.

De son côté, Mgr Michel Parent, chancelier du diocèse de Montréal, a nié que l'octroi d'une bourse d'étude à l'abbé de Maupeou représente une promotion. «Je comprends que si j'étais professeur à la faculté de droit, moi aussi je dirais que c'est une promotion que d'aller étudier et participer à ses cours, a-t-il dit. Mais ce n'est pas du tout la conception qu'ont le diocèse de Montréal et l'ensemble des diocèses. En étudiant, l'abbé de Maupeou va se chercher une compétence technique pour pouvoir exercer un ministère spécifique dans le domaine purement administratif qu'il pourra exercer au terme de ses études.»

Mgr Parent a déploré la «dureté de coeur» de ceux qui réclament le congédiement des prêtres condamnés pour pédophilie.

«À partir du moment où on a un confrère qui dit que : «malgré ma faiblesse, malgré ma fragilité, malgré ce que j'ai fait, je ne mets pas en cause mon ministère de prêtre»... à partir du moment qu'il a reçu la peine que l'État lui a infligée, est-ce qu'on va condamner quelqu'un pour toute la vie ? C'est déjà une tristesse pour un prêtre qui est ordonné pour exercer un ministère, c'est déjà une tristesse qu'il ne puisse pas l'exercer pour le restant de sa vie.

«On n'exclut pas de l'Église quelqu'un qui a fait une faute, mais qui l'a regrettée, qui a payé, et pour laquelle l'État et les services judiciaires lui disent : « bon, tu as payé ta peine, maintenant, tu peux continuer à vivre «On n'est pas dans une multinationale où on met le monde dehors, comme ça, selon notre bon plaisir.»

La Presse a laissé un message pour l'abbé de Maupeou au diocèse de Montréal, mais celui-ci n'a pas rappelé.