Ça n'a jamais été aussi clair. Avec 43% des intentions de vote et la possibilité de faire plusieurs gains en Ontario, les conservateurs de Stephen Harper semblent destinés à former un gouvernement majoritaire.

Au moment du déclenchement officiel des hostilités, c'est du moins le constat que tire la firme Segma d'un sondage réalisé pour La Presse et les six quotidiens du groupe Gesca, du 30 août au 6 septembre.

"Pour la première fois depuis 2006, il y a un mouvement significatif, presque violent, dans l'opinion publique en faveur des conservateurs", analyse Raynald Harvey, président de Segma recherche.

Dans l'ensemble du Canada, le Parti conservateur détient une avance considérable de 18 points de pourcentage sur les libéraux de Stéphane Dion, qui stagnent à 25%. Le NPD et le Parti vert obtiennent respectivement 15% et 7% dans ce sondage, réalisé auprès de 1288 répondants dont 450 au Québec et 450 en Ontario, et précis à 2,7 points près, 19 fois sur 20.

Au Québec, le Bloc est toujours en tête, avec 35% des intentions de vote.

Les conservateurs sont bons deuxièmes, à 30%. C'est la débâcle pour le Parti libéral, qui chute à 17%, son plus mauvais résultat depuis octobre 2007.

Mais c'est en Ontario que le chef conservateur fait le plus de gains. Par rapport au mois de février, les libéraux ont reculé de 43% à 31%, directement au profit des troupes de M. Harper, qui grimpent de 32% à 44%.

"C'est clair que l'élection va se jouer en Ontario, si elle n'est pas déjà jouée", estime M. Harvey.

Jusqu'à 183 sièges pour le PCC

En se fondant sur les résultats des dernières élections, Segma se risque même à évaluer combien de sièges auraient obtenus les différents partis si le scrutin s'était déroulé dans les derniers jours.

Selon ce calcul, les conservateurs auraient raflé jusqu'à 183 sièges, alors qu'il n'en faut que 155 pour former un gouvernement majoritaire. Au moment de déclencher la campagne, hier, ils en détenaient 127.

Le Bloc québécois aurait perdu cinq sièges au profit des conservateurs par rapport à leurs résultats de 2006, analyse Segma. Mais c'est chez les libéraux, et dans une moindre mesure chez les néo-démocrates, que la chute est la plus pénible.

Les troupes de Stéphane Dion se seraient contentées d'une mince récolte de 62 sièges, et l'équipe de Jack Layton aurait perdu 14 députés avec la méthode de répartition utilisée.

Selon ces projections, et bien que la marge d'erreur soit plus grande lorsqu'on analyse des sous-groupes, M. Harper aurait réussi à faire élire aux dépens de M. Dion plus de 30 députés supplémentaires en Ontario, dont même une douzaine dans la région de Toronto, traditionnellement libérale.

"Les conservateurs n'avaient pas mené en Ontario depuis Mulroney", rappelle M. Harvey. En 1988, le Parti progressiste-conservateur de Brian Mulroney avait raflé 169 des 295 sièges à la Chambre des communes, avec 43% des voix.

Dion faible

Si les conservateurs peuvent maintenant rêver d'une telle majorité, ce n'est pas nécessairement grâce au leadership de leur chef. C'est plutôt la faiblesse de M. Dion qui fait la force de M. Harper, analyse le président de Segma.

Lorsqu'on demande aux électeurs de noter sur 100 le premier ministre et le chef de l'opposition pour la qualité de leur travail respectif, le leader conservateur obtient 63% et le chef libéral, 54%.

"La note de passage, c'est 60%, comme à l'école, explique Raynald Harvey. Stephen Harper a une note passable, mais pour Stéphane Dion, c'est un échec, il n'a la note de passage nulle part au Canada."

Les répondants au sondage jugent à 37% que M. Harper s'est amélioré comme politicien, alors que seuls 11% pensent qu'il est aujourd'hui "moins bon" qu'à son élection comme premier ministre, en janvier 2006.

Du côté de M. Dion, plus de la moitié des électeurs (55%) estiment qu'il ne s'est ni amélioré ni détérioré depuis qu'il est chef de l'opposition.

Ce sondage est aussi une mauvaise nouvelle pour le Bloc québécois si la tendance se maintient, estime M. Harvey. "Le Bloc pourrait être victime d'un effet domino pro-conservateur venu de l'Ontario, dit-il. Quand les nationalistes du Québec vont se rendre compte que les libéraux sont battus ou s'en vont vers une défaite inévitable, ils risquent de se tourner vers les conservateurs, un parti vu comme utile, qui peut amener les bénéfices du pouvoir."

Même si les appuis au chef bloquiste Gilles Duceppe diminuent légèrement, une majorité de Québécois (54%) pensent qu'il est toujours pertinent d'avoir une formation souverainiste à Ottawa pour défendre les intérêts du Québec.

Quatre électeurs sur 10 croient que la présence du Bloc sur la scène fédérale n'est plus nécessaire.

À la veille du déclenchement des élections, 49% des électeurs sondés estimaient qu'il serait approprié de tenir un scrutin général cet automne, et 45% étaient contre.