Avoir accès à des documents gouvernementaux demande une bonne dose de patience. Le Commissaire à l'information vient de conclure que le gouvernement fédéral retarde de façon injustifiée l'accès à l'information.

Le Commissaire à l'information du Canada (CIC) conclut, dans un rapport publié le 19 août, que certaines demandes d'information auprès d'institutions fédérales sont assujetties à des «retards injustifiés dans leur traitement».

Le CIC fait ce constat après avoir conduit une enquête auprès de 21 institutions entre 2003 et 2005. Quelque 23 000 demandes d'accès à l'information ont été étudiées dans le cadre de cette enquête menée à la suite d'une plainte logée par l'Association canadienne des journaux (ACJ) et La Presse.

Le rapport du CIC indique que le délai moyen avant d'obtenir une réponse varie entre 23 et 425 jours selon les institutions. Le délai augmente pour les demandes jugées «délicates», qui représentent 20% des demandes étudiées. Or, la Loi sur l'accès à l'information, en vigueur au Canada depuis 1982, prescrit un délai de 30 jours.

«Voilà une grande victoire puisque le Commissaire confirme qu'il existe un problème grave concernant l'obstruction de l'information potentiellement embarrassante pour le gouvernement», dit David Gollob, premier vice-président politiques et communications de l'ACJ.

L'ACJ a déposé sa plainte en septembre 2005, après avoir noté des difficultés à obtenir de l'information pendant le scandale des commandites. Les libéraux de Paul Martin étaient au pouvoir. «Et avec le gouvernement conservateur, la tendance au secret va de mal en pis», déplore M. Gollob.

Les plaintes au Commissariat à l'information ont augmenté de 80% entre les années financières 2006-2007 et 2007-2008. Si le CIC y voit une conséquence de l'augmentation d'institutions assujetties à la loi, l'avocat Michel Drapeau constate un problème plus profond. «Avec les conservateurs, c'est plus que pire, dit-il. On fait un pied de nez à la Loi sur l'accès à l'information.»

Ce militaire à la retraite et spécialiste de l'accès à l'information explique que le problème se situe à l'échelle du Conseil privé (le ministère du premier ministre), à qui les différentes institutions doivent transmettre les demandes d'accès. «Ça provoque un étranglement et l'information sort au compte-gouttes», explique-t-il.

Cet étranglement, William Leclerc, recherchiste à La Presse, s'y frotte chaque jour. «Ça n'a jamais été aussi difficile d'avoir des documents, déplore-t-il. Ça prend 120, 230 jours. Bref, on a le temps de changer de gouvernement trois fois!»

William Leclerc cite en exemple l'histoire de la bouteille de vin offerte par le ministre des Affaires étrangères du Canada à la secrétaire d'État américaine, Condoleezza Rice, en février 2007. La Presse a tenté d'en connaître le prix. La réponse - un secret d'État, selon le gouvernement Harper - se fait toujours attendre...

Selon Dimitri Soudas, attaché de presse du premier ministre, le gouvernement n'a rien à voir avec les délais de réponse. «L'accès à l'information n'est pas géré par le politique, mais par la fonction publique», répond-il.