Le rapport d'enquête du coroner sur la fusillade du 13 septembre 2006 au Collège Dawson, rendu public jeudi, révèle à quel point le tueur Kimveer Gill avait planifié son geste depuis des mois, écrivant qu'il était même prêt à tuer ses parents s'ils découvraient ses plans.

On y apprend qu'à l'origine, Kimveer Gill avait prévu procéder à la tuerie le 20 avril précédent, pour commémorer le massacre de l'école Columbine, aux Etats-Unis. Il a tout simplement reporté sa tuerie parce qu'il attendait encore son pistolet de marque Bull.

À lire

>>>La première partie du rapport (PDF)

>>>La deuxième partie du rapport (PDF)

Gill possédait, sur le disque dur de son ordinateur, des photos de quatre universités et de trois collèges, dont un plan sommaire de Dawson. Le coroner ignore pourquoi c'est Dawson qu'il a choisi, puisqu'il n'y a jamais étudié.

Le rapport d'enquête révèle aussi les troubles mentaux de Gill, un homme renfermé, isolé, qui dormait de jour et passait ses nuits devant son ordinateur, regardait des films violents, avait des idées suicidaires, qui avait eu deux ou trois épisodes dépressifs entre 2000 et 2006 et qui avait été suivi par un psychologue dans un CLSC en 2004.

Kimveer Gill avait aussi des problèmes de consommation d'alcool, buvait entre deux et sept consommations par jour, au point où le médecin lui avait recommandé de cesser, convaincu que cela aggravait son état dépressif. Le médecin lui avait recommandé un centre spécialisé, pour réduire sa dépendance à l'alcool, mais Gill n'y était pas allé. Gill avait d'ailleurs bu du whisky dans les heures précédant la tuerie, mais n'avait pas pris de drogue.

Recommandations

Le coroner Jacques Ramsay formule quelques recommandations pour éviter que de tels drames se reproduisent.

Il recommande notamment que les chercheurs dans les établissements de santé aient accès au registre des armes à feu, en préservant la confidentialité des renseignements personnels.

«Une question qu'on peut se demander, c'est: est-ce qu'il y a de petits drapeaux rouges qui peuvent être soulevés par rapport à certains, une classe de détenteurs de permis ou certaines armes à feu? Pour l'instant, il n'y a pas de recherches avec des données probantes sur la question. On a un registre qui est utilisé surtout pour faire des vérifications au niveau individuel. Je soulève la question: est-ce qu'on ne peut pas faire plus avec ce registre-là, de sorte qu'on va s'en servir comme un instrument de santé publique, de politique sociale pour orienter des réglementations ou une loi future», a commenté le docteur Ramsay, au cours de sa rencontre avec la presse.

Dans le cas de Gill, il avait procédé à l'achat de plusieurs armes à feu et munitions en l'espace de quelques mois, malgré sa santé mentale fragile. Les renseignements médicaux demeurent toutefois confidentiels.

Le coroner recommande également d'interdire les armes à feu dont le chargeur est placé derrière la détente, comme l'une de celles que portait Gill. Actuellement, ce type d'arme n'est qu'à autorisation restreinte. Le législateur avait bel et bien prévu interdire ce type d'arme, en 1995, mais le fabricant l'a ensuite modifiée pour la rendre légale, a noté le docteur Ramsay.

On apprend aussi que Gill a caché, lors de sa demande de permis d'arme à feu, ses troubles mentaux, ainsi que le fait qu'il avait déjà consulté un psychologue pour son humeur dépressive et ses idées suicidaires.

«On n'a pas été en mesure de dépister ça. La question que ça soulève, c'est: est-ce que c'est quelque chose de fréquent. Si oui, est-ce qu'on doit penser que le Contrôleur des armes à feu, au Québec, devrait avoir des pouvoirs élargis pour vérifier ces choses-là? Ce n'est pas si simple que ça. Certainement, idéalement, on aimerait savoir les antécédents de santé mentale. On compte sur la bonne volonté des gens. Est-ce qu'il faut avoir des pouvoirs élargis qui vont permettre au contrôleur d'aller fouiller dans les dossiers médicaux? Je pose la question. Je ne suis pas convaincu qu'il faille aller aussi loin que ça», a affirmé le coroner, en réponse aux questions des journalistes.

Le coroner Ramsay ne fait toutefois pas une recommandation formelle du fait d'exiger désormais un certificat médical, comme c'est le cas dans d'autres pays. Interrogé à ce sujet, il a expliqué qu'un tel certificat médical est de toute façon trop facile à obtenir dans toute clinique médicale.

Héros

Par ailleurs, le rapport fait ressortir plusieurs gestes qui ont sauvé des vies, non seulement de la part des policiers, mais aussi du chef de la sécurité du collège, Vincent Pascale, qui a fait ramper des étudiants pour les faire sortir un par un. On y souligne aussi le sang froid des étudiants qui ont été pris en otage et comme bouclier par Gill.

De façon générale, le coroner accorde «une excellente note globale» au service de police de Montréal, particulièrement aux agents qui ont posé des gestes au péril de leur vie: les agents Denis Côté, Alain Ibrahim Diallo et Marco Barcarolo.

Ils ont bien accompli leur rôle qui consistait à d'abord à isoler Gill, ensuite à l'«engager» avec eux, c'est-à-dire à le distraire des étudiants pour qu'il concentre plutôt son attention sur les policiers.

«C'est l'agent Diallo qui donne la couleur de l'intervention. C'est l'agent Diallo qui fait en sorte que cette intervention-là n'est pas un autre Polytechnique», a dit le coroner Ramsey, en référence à la tuerie du 6 décembre 1989 qui a causé la mort de 14 femmes.

La tuerie du Collège Dawson, survenue le 13 septembre 2006, a fait deux morts - l'étudiante Anastadia De Sousa et le tueur Kimveer Gill - et 16 blessés.

L'étudiante De Sousa a reçu 10 décharges d'arme à feu, dont la première semble avoir été mortelle, selon le coroner Ramsay.

Kimveer Gill, après avoir tiré 72 coups avec sa carabine et six autres avec son arme de poing, s'est suicidé sous les yeux de ses deux otages. Il venait d'être atteint au coude par l'agent Denis Côté et saignait abondamment. Il avait également avec lui quatre couteaux, une barre de démolition et bien d'autres munitions.