Le gouvernement Harper juge totalement inacceptable la décision d'une société d'État d'accorder un prêt d'un demi-million de dollars à l'ancien ministre libéral Alfonso Gagliano pour qu'il achète un vignoble dans les Cantons-de-l'Est.

Il compte d'ailleurs resserrer dès maintenant les critères d'admissibilité utilisés par les diverses sociétés d'État qui font des prêts afin d'éviter à l'avenir que d'anciens ministres qui ont été mêlés de près ou de loin à des scandales lorsqu'ils faisaient partie d'un gouvernement obtiennent des fonds publics sous forme de prêt.

La décision d'accorder le prêt par Financement agricole Canada ne peut toutefois pas être infirmée par le gouvernement Harper étant donné qu'une société d'État agit en principe indépendamment des autorités politiques au pouvoir.

«Le fait qu'Alfonso Gagliano puisse recevoir un prêt de Financement agricole Canada est une situation préoccupante. Le gouvernement conservateur est d'avis que l'argent doit servir à aider les agriculteurs, et non d'anciens ministres libéraux», a affirmé à La Presse Dimitri Soudas, proche collaborateur du premier ministre Stephen Harper.

Contestation du rapport Gomery

«Nous sommes en train de resserrer les règles que les sociétés d'État doivent utiliser lorsqu'elles accordent des prêts. Toutes les sociétés d'État fédérales qui offrent des prêts commerciaux devront tenir compte de l'intégrité d'une personne au moment de l'examen de sa demande de prêt», a ajouté M. Soudas.

M. Gagliano était ministre des Travaux publics dans l'ancien gouvernement libéral de Jean Chrétien lorsque le scandale des commandites a éclaté. M. Gagliano a d'ailleurs été sévèrement critiqué par le juge John Gomery pour son rôle dans la gestion du programme de commandites dans un rapport accablant sur cette affaire en octobre 2005.

Dans son rapport, le juge Gomery a affirmé que des membres influents du Parti libéral avaient mis sur pied un système de ristournes bien huilé pour détourner de l'argent du programme de commandites au profit du parti. Le jour de la publication du rapport, le Parti libéral a d'ailleurs remboursé à l'État plus d'un million de dollars obtenu de manière douteuse.

M. Gagliano conteste toutefois les conclusions du juge à la retraite devant la Cour fédérale. Il faut aussi souligner qu'aucune accusation n'a été déposée contre M. Gagliano à ce jour à la suite de ce scandale.

Les avocats de M. Gagliano avancent les mêmes arguments que ceux de Jean Chrétien et de Jean Pelletier. Il y a quelques mois, les deux hommes ont réussi à faire radier ces conclusions au motif que le commissaire avait fait certains commentaires durant l'enquête qui laissaient craindre un manque d'impartialité.

La Presse a révélé samedi que M. Gagliano avait pris possession la semaine dernière de son vignoble des Cantons-de-l'Est, après avoir obtenu un prêt d'un demi-million de dollars d'une société d'État fédérale.

L'achat des installations de Dunham a été inscrit au registre foncier il y a deux semaines, pour la somme de 733 687 $. Le prêt de Financement agricole Canada, une société de la Couronne, s'élève à 550 000 $.

M. Gagliano et sa famille prévoient faire les vendanges d'ici quelques semaines et commercialiser leurs nouveaux vins sous l'appellation « Vignoble Gagliano » dès le printemps prochain.

«J'ai pris possession. Je suis le propriétaire des Blancs Coteaux depuis la semaine passée Un nouvel homme!» a-t-il lancé lorsque La Presse l'a joint la semaine dernière. «Oubliez le politicien. Il n'existe plus.»

La semaine dernière, Financement agricole Canada a refusé de commenter les raisons qui l'ont amené à accorder un tel prêt à un ancien politicien associé au scandale des commandites.

- Avec Hugo de Grandpré