L'ex-ministre Philippe Couillard se défend de violer l'esprit de la loi sur le lobbyisme en s'associant à un fonds d'investissement privé en santé.

Moins de deux mois après avoir quitté son poste de ministre de la Santé, M. Couillard a confirmé lundi son statut de partenaire de la firme Persistence Capital Partners (PCP), qui injectera des capitaux dans des cliniques de santé privées au Canada.

Le député péquiste Bernard Drainville a immédiatement exprimé son «profond malaise», affirmant que M. Couillard refilerait à ses associés des informations privilégiées sur les champs de pratique appelés à faire l'objet d'une plus grande ouverture au secteur privé.

«Ce sont-là des hypothèses parce que personne ne sait quelles seront les prochaines orientations qui seront retenues», a commencé l'ex-ministre, en entrevue téléphonique à La Presse Canadienne.

Alors que Philippe Couillard était ministre de la Santé, le gouvernement Charest a autorisé le recours à une assurance privée pour les chirurgies de la hanche, du genou et des cataractes, en réponse au jugement Chaoulli, créant en contrepartie une garantie de soins pour ces trois types d'opération.

M. Couillard avait prévenu, avant de quitter ses fonctions ministérielles, que cette ouverture au privé pourrait être étendue à d'autres chirurgies dans le futur.

«L'information au ministère de la Santé, j'en suis maintenant complètement coupé. Je ne sais pas ce que le nouveau ministre (Yves) Bolduc va décider au cours des prochaines années, mais j'ai une compréhension assez profonde des tendances des systèmes de santé au pays», a dit M. Couillard, lundi, en repoussant du revers de la main les allusions à un possible délit d'initié.

Puis, il a signalé son intention de respecter la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, qui l'empêche de faire des représentations auprès du gouvernement et de ses organismes pendant deux ans.

Le porte-parole péquiste en matière de santé maintient toutefois que le nouveau choix de carrière de l'ex-ministre soulève bien des questions.

«Il va faire par la porte d'en arrière ce qu'il ne peut pas faire par la porte d'en avant. Il a été ministre pendant cinq ans et avec les informations qu'il détient, il peut aider quelqu'un à faire avancer ses intérêts dans le secteur public», a indiqué M. Drainville, selon qui il y a là un flagrant problème d'éthique.

«Visiblement, M. Couillard et son employeur pensent que le privé en santé va être une mine d'or à l'avenir, alors, qu'est-ce qu'ils savent que nous ne savons pas? Sur quoi le gouvernement Charest planche-t-il quant à la place du privé en santé?» a questionné le député de Marie-Victorin.

Le porte-parole de Québec solidaire, Amir Kadhir, a témoigné son immense déception à l'égard de celui qu'il percevait autrefois comme un rempart contre la privatisation des soins de santé.

«Je me sens trahi. Il nous a berné avec ses bonnes paroles», a-t-il dit, ajoutant que M. Couillard devrait avoir honte.

Pour sa part, le porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, Eric Caire, s'est montré plus conciliant.

«Je dois présumer de sa bonne foi, puis, on ne peut pas empêcher quelqu'un de travailler» a indiqué le député, soulignant surtout que Philippe Couillard a choisi de joindre des gens qui croient à l'accroissement de la place du privé dans le système public, tout comme l'Action démocratique du Québec.

En expliquant sa décision de s'associer à la firme PCP, Philippe Couillard a réitéré sa profession de foi à l'égard d'un système de santé public fort, appuyé toutefois par un secteur privé «apportant la complémentarité et une dose de concurrence».

Il a dit ne voir là aucune contradiction avec les positions qu'il défendait à titre de ministre québécois de la Santé.

La firme PCP, basée à Montréal, possède notamment le Groupe Santé Médisys.

Les activités professionnelles de l'ex-ministre se dérouleront principalement dans la métropole, mais il sera appelé à se déplacer dans le reste du Canada et à l'étranger.