Les conservateurs de Stephen Harper comptent jouer à fond la carte de l'unité nationale, en particulier au Québec, aux prochaines élections fédérales, qui pourraient survenir dès l'automne.

M. Harper entend en effet présenter le Parti conservateur comme celui qui peut le mieux assurer l'unité du pays, tentant ainsi de concentrer vers son parti le vote fédéraliste du Québec au détriment du Parti libéral de Stéphane Dion, a appris La Presse hier.

«Aux prochaines élections, les Québécois auront un choix clair à faire. Ils pourront choisir entre le parti de la séparation (le Bloc québécois), le parti de la centralisation (le Parti libéral) ou le parti de la nation (le Parti conservateur)», a expliqué hier un stratège conservateur sous le couvert de l'anonymat.

Les conservateurs croient que cette stratégie leur permettra de faire des gains non seulement au Québec, mais aussi en Ontario. «Historiquement, le parti de l'unité nationale a toujours eu de bons résultats en Ontario», a-t-on fait valoir.

Le Parti libéral, qui a perdu des plumes au Québec depuis le scandale des commandites, n'a obtenu que 13 sièges dans la province au dernier scrutin. Le Parti conservateur y a remporté 10 sièges, causant ainsi une certaine surprise.

Depuis lors, le Parti libéral a perdu la circonscription d'Outremont aux mains du NPD, tandis que le Parti conservateur a délogé le Bloc québécois dans Roberval aux élections partielles du 17 septembre 2007. À l'heure actuelle, libéraux et conservateurs comptent le même nombre de sièges au Québec, soit 11, à la suite du départ, en janvier, de l'ancienne ministre Lucienne Robillard. Une élection partielle est prévue le 8 septembre dans Westmount–Ville-Marie pour la remplacer. Le candidat libéral Marc Garneau devrait remporter la circonscription, bien que la candidate du NPD, Anne Lagacé Dowson, lui livre une bataille intéressante.

Une autre élection partielle est prévue le même jour dans la circonscription de Saint-Lambert, autrefois détenue par le bloquiste Maka Kotto, qui a fait le saut en politique provinciale au printemps.

Mettre les libéraux sur la défensive

Dans le passé, le Parti libéral a toujours joué la carte de l'unité nationale, ce qui lui permettait de rallier le vote fédéraliste au Québec et de gagner des sièges supplémentaires en Ontario, la province la plus populeuse du pays. Historiquement, dans cette province, les électeurs votent en faveur du parti le plus apte à assurer l'unité nationale.

Dans les années 90, les libéraux de Jean Chrétien avaient même remporté à trois reprises la quasi-totalité des sièges en Ontario, qui craignait comme la peste la montée du Parti réformiste dirigé par Preston Manning. Ce parti ayant ses racines dans l'Ouest dénonçait notamment le bilinguisme et s'opposait avec véhémence à toute forme de reconnaissance du Québec.

Stephen Harper, qui était un membre fondateur du Parti réformiste, a depuis changé son fusil d'épaule envers le Québec. Son gouvernement est allé jusqu'à faire adopter à la Chambre des communes une résolution qui dit que les « les Québécois forment une nation au sein d'un Canada uni ». Au cours de la prochaine campagne électorale, M. Harper entend bien utiliser cette carte pour mettre les libéraux de Stéphane Dion sur la défensive.

Dans une brève entrevue accordée à La Presse durant son voyage de quatre jours en Europe, en mai, le premier ministre Stephen Harper avait clairement fait savoir que l'unité nationale serait l'une des principales flèches de son carquois dans la prochaine campagne.

«Je pense que la philosophie centralisatrice de M. Dion est d'une autre époque, qui est finie. C'est fini au Québec depuis longtemps, mais pour des raisons historiques, le Parti libéral a gardé un certain appui parmi la communauté fédéraliste. Maintenant, le Parti libéral n'est plus le parti majeur du fédéralisme au Québec, et il offre une philosophie tout à fait contraire à celle de la grande majorité des fédéralistes québécois», a affirmé le premier ministre.

«Dans le reste du Canada, je pense qu'on commence à vraiment reconnaître, même en Ontario, que l'approche conservatrice est beaucoup plus efficace en matière d'unité nationale que les approches du passé. Et la politique d'ouverture, le respect des compétences, la reconnaissance de la nature distincte du Québec, c'est un message qui commence à être compris, et pas seulement au Québec», a-t-il ajouté.