Comment des charcuteries malsaines peuvent-elles sortir d'une usine et se retrouver dans le panier d'épicerie? Plusieurs Canadiens ont eu un choc en découvrant cette semaine qu'il n'y a pas de goûteur universel qui teste les aliments avant consommation, comme celui de Cléopâtre dans Astérix.

«Je crois qu'on ne mesure pas l'ampleur du système. Il est utopique de croire qu'une agence gouvernementale peut tout contrôler», estime Sylvain Charlebois, professeur au département de la faculté d'administration de l'Université de Regina et spécialiste des questions d'inspection alimentaire. Il croit que l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) fait un très bon travail.

L'Agence a néanmoins été la cible de virulentes critiques cette semaine. On lui reprochait, notamment, de faire des inspections «sur papier», de se contenter de vérifier les données fournies par une entreprise plutôt que de faire des inspections indépendantes. Au final, entre 2% et 5% de la nourriture est testée. «On entend beaucoup de gens inquiets de l'éventuelle privatisation du système de surveillance, dit Sylvain Charlebois. Mais c'est déjà fait!»

Damien Girard, président des Viandes biologiques de Charlevoix, estime aussi que le travail de surveillance de l'ACIA a été fait adéquatement, dans les limites d'un tel exercice. «On aurait pu tester neuf lots sur dix, dit-il. Tout aurait été correct et c'est avec le dixième qu'il y aurait eu un problème.»

«Personne n'est à l'abri de ce genre d'événement, poursuit M. Girard. En tant qu'entrepreneur, ça nous rappelle qu'il faut faire des contrôles de qualité très serrés et sensibiliser nos employés. Je pense que beaucoup de gens réalisent, avec une crise comme celle-là, qu'il y a vraiment des dangers quand on travaille avec des animaux et de la viande.»

Vivement un vérificateur

Un groupe de travail de l'Université de Regina a publié au mois de mai dernier un premier palmarès international des systèmes de gestion de l'alimentation. Le Canada a obtenu la note «supérieure», devant les États-Unis et la France.

Toutefois, Sylvain Charlebois a toujours critiqué le double mandat de l'ACIA, qui doit protéger à la fois l'industrie et le public. «Il faut une nouvelle agence, indépendante, un peu comme le vérificateur général du Canada, mais uniquement pour l'alimentation, comme ça se fait en Europe.» Dans ce monde idéal, il y aurait donc, d'un côté, la police qui superviserait l'inspection des aliments et, de l'autre, une agence vouée à la protection du public «pour éduquer les consommateurs et gérer les rappels», précise Sylvain Charlebois, qui note que l'actuelle crise fait l'éclatante démonstration que le public a besoin d'une information indépendante rapide et efficace.

«Les consommateurs canadiens sont extrêmement mal servis par le système actuel. Maple Leaf nous offre une chance inouïe: il ne faut pas paniquer, mais saisir cette occasion de revoir notre façon de faire.»