Au lendemain de l'émeute qui a secoué Montréal-Nord, le réveil a été brutal pour les politiciens québécois. Le maire de la métropole, Gérald Tremblay, a réclamé une enquête rapide et transparente sur la mort de Fredy Villanueva, ce qu'a promis le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis.

Si l'opposition à Québec condamne l'insuffisance des mesures du gouvernement contre les gangs de rue, les députés du quartier estiment qu'il s'agit d'un événement isolé.

Visiblement ébranlé, le maire Tremblay a condamné les incidents de la veille après avoir constaté sur place les dommages. «Il est primordial pour moi que la lumière soit faite sur cet événement tragique. J'ai demandé au ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, de s'assurer qu'une enquête complète et transparente soit faite, et ce, dans les meilleurs délais», a-t-il dit.

En vacances à l'étranger, le ministre Dupuis est rentré d'urgence au Québec pour rencontrer, aujourd'hui, tous les acteurs du dossier. Hier, il a passé la majeure partie de la journée en communication avec les différents services de police et la Ville de Montréal, a-t-on indiqué à son cabinet.

Étant donné l'implication des policiers du SPVM, l'enquête sur la mort de Fredy Villanueva a été confiée à la Sûreté du Québec. Par voie de communiqué, le ministre Dupuis a assuré que l'exercice serait fait «en toute transparence» et que les résultats seraient rendus publics.

La SQ n'enquêtera pas, toutefois, sur l'émeute qui a éclaté dimanche soir ni sur l'opération policière qu'elle a suscitée. Cela «ne concerne que le SPVM», indique-t-on au cabinet de M. Dupuis. «Comme dans toute intervention policière importante, nous allons évaluer tout ce qui a été fait par les forces policières. Mais il n'y a pas d'enquête interne à proprement parler», a dit le chef de section des communications du SPVM, Paul Chablo.

Les partis d'opposition à Québec n'ont pas mis de temps à réagir aux événements. Ils ont reproché au ministre Dupuis son manque de leadership dans la lutte contre les gangs de rue. «C'est le résultat de la paresse du gouvernement libéral, qui, pendant une année, a laissé se détériorer les choses alors qu'il avait promis en campagne électorale de s'occuper du problème», a souligné Sylvie Roy, critique adéquiste en matière de sécurité publique. L'ADQ réclame plus d'effectifs policiers et davantage de répression.

À l'opposé, le Parti québécois estime que la solution réside dans la prévention et l'éducation sociale. «Ça va se répéter si on n'est pas capable de trouver des solutions, si on se limite à réprimer les actes commis», a estimé Jacques Côté, porte-parole péquiste en matière de sécurité publique.

Mettant fin d'urgence à une tournée des parcs québécois pour revenir dans le quartier qu'elle habite depuis 10 ans, la ministre de l'Environnement et députée de Bourassa-Sauvé, Line Beauchamp, a lancé un appel au calme, hier: «Il faut qu'on puisse vivre au cours des prochaines heures et des prochains jours dans une atmosphère de paix à Montréal-Nord, a-t-elle dit. Nous allons tous travailler ensemble pour que ces événements cessent.»

Le député libéral fédéral de Bourassa, Denis Coderre, a reconnu la gravité de la situation, tout en soulignant qu'il y avait eu de nombreux progrès à Montréal-Nord dans les dernières années. «On ne regarde pas les événements avec des lunettes roses, a-t-il dit. On travaille tous pour prouver que Montréal-Nord est un endroit où il fait bon vivre.»

Interrogé sur RDI, le criminologue André Normandeau a déploré le silence des autorités gouvernementales qui a suivi la fusillade de samedi. «S'il (Jacques Dupuis) est en dehors du pays, il aurait dû faire signe de vie par au moins un communiqué de presse et déléguer un sous-ministre ou quelqu'un en autorité pour donner le point de vue du Ministère.»

M. Normandeau souhaite par ailleurs une enquête publique élargie sur la tragédie. «Actuellement, avec la culture de méfiance qui existe à Montréal-Nord, il faudrait que les trois ou quatre policiers soient accompagnés d'au moins deux civils, d'un élu politique du quartier et d'un représentant crédible des communautés culturelles de Montréal», a-t-il conclu.