Le ministre fédéral des Affaires étrangères, David Emerson, a affirmé que ce n'est pas en brûlant les cultures de pavot dans le sud de l'Afghanistan qu'on parviendra à endiguer la production d'opium et d'héroïne provenant de cette région dévastée par la guerre.

En entrevue à l'émission Question Period, du télédiffuseur CTV, M. Emerson a expliqué que la solution pourrait plutôt passer par une intensification des mesures d'interdiction aux niveaux du traitement et de l'expédition des drogues illégales hors d'Afghanistan.

Le Canada subit des pressions grandissantes de la part des Etats-Unis pour qu'il fasse plus d'efforts pour enrayer la culture du pavot, notamment en pulvérisant des produits chimiques du haut des airs. Depuis les deux dernières années, les Américains incitent discrètement le président afghan Hamid Karzaï à accepter les pulvérisations de produits chimiques sur les cultures de pavot.

Les militants talibans se servent des recettes du commerce illégal de la drogue pour acheter des armes et des explosifs. Selon un récent rapport des Nations unies, les insurgés tireraient jusqu'à 100 millions $ du trafic de stupéfiants, et les exportations en provenance de l'Afghanistan représenteraient près de 90 pour cent de l'héroïne mondiale.

Le ministre Emerson a fait valoir que l'idée de brûler les récoltes de simples agriculteurs qui ne sont pas en mesure de cultiver autre chose que du pavot n'aiderait en rien l'OTAN dans ses tentatives de gagner l'estime de la population afghane.

Mais un membre haut placé du département d'Etat américain conteste ce point de vue. Selon Thomas Schweich, le coordonnateur américain pour la lutte contre les stupéfiants en Afghanistan, l'idée que de pauvres fermiers seraient pénalisés par des efforts plus soutenus d'éradication du pavot est un mythe, qui a été utilisé comme prétexte pour éviter de lutter contre la culture du pavot.

Il y a quelques années, cela aurait pu être crédible, mais le commerce de la drogue a changé et ce sont maintenant de riches propriétaires terriens et même des fonctionnaires gouvernementaux corrompus qui profitent du commerce du pavot, a soutenu M. Schweich.

Ce dernier accuse le président Karzaï de soutenir tacitement les seigneurs de la drogue du sud de l'Afghanistan par crainte de voir la base de son pouvoir politique s'effriter.

David Emerson a rejeté cet argument, ajoutant que Hamid Karzaï est le président élu et que le gouvernement canadien l'appuie.