La spectaculaire enquête sur le «gang de Bedford» est en train de tourner au cauchemar pour la GRC, la Sûreté du Québec et le DEA américain. Pour la deuxième fois depuis le début du processus judiciaire entamé en 2005, le ministère public a été sèchement désavoué devant le tribunal, en marge de cette affaire de production et de trafic de marijuana à grande échelle vers les États-Unis.

Dans un jugement passé inaperçu samedi dernier, un jury siégeant au palais de justice de Granby a acquitté sept des neuf accusés de l'unique procès à s'être déroulé jusqu'à maintenant. Après avoir écouté la preuve pendant plus de trois mois, les neuf hommes et trois femmes ont délibéré pendant six jours avant de livrer ce verdict. Des 23 chefs d'accusations en cause, seulement cinq ont été retenus. Toutes les accusations les plus graves sont tombées, dont celles de gangstérisme et d'exportation de marijuana.

Les condamnés sont Jimmy Kimmel, 51 ans, et Martin Clohosy, 44 ans, de Saint-Armand. Le premier a été reconnu coupable de production et de trafic de marijuana ainsi que de complot, cependant que l'autre a été inculpé de possession et de trafic de la même substance. Ils reviendront cet automne devant le juge Yves Tardif, de la Cour supérieure, afin de connaître leur sentence.

Au nombre des sept personnes acquittées, on retrouve Jerry Couture, 50 ans, neveu et bras droit de Werner Kyling, que les policiers désignent comme le chef du gang. Les autres sont la conjointe de Kimmel, Sylvie Barrelet, ainsi que Benoît Ouimet, Éric Rioux, Michel Baraby, Gilles Patenaude, et l'Ontarien Todd Michael Wraight.

Entamé en décembre 2007 par l'audition d'une kyrielle de requêtes, le procès comme tel s'est instruit à partir du 3 juin. Le procès de quatre autres accusés devrait avoir lieu dans les prochaines semaines. Un troisième procès, avec Werner Kyling, Jerry Couture et une trentaine d'autres accusés, est aussi sur les planches.

«C'est un véritable fiasco judiciaire. En repoussant les accusations de gangstérisme, le jury a rendu un verdict clair: il n'y a pas de complot général, mais simplement de petits complots entre divers individus. Pourtant, la Couronne continue de prétendre que Werner Kyling, Jerry Couture et les autres accusés font partie d'une organisation criminelle structurée. Cette théorie ne tient pas la route, le procès vient de le démontrer. La preuve repose uniquement sur des hypothèses, des conjonctures, des supputations de la police», s'insurge un avocat de la défense, Jocelyn Grenon.

«C'est le deuxième échec cuisant que subit la Couronne depuis le début des procédures», a-t-il dit, en rappelant que le ministère public avait échoué dans sa tentative d'extrader Kyling et 10 de ses acolytes aux États-Unis, il y a deux ans. Cette décision du juge James Brunton, selon lui, s'apparentait à celle que les jurés ont rendue samedi quant à la faiblesse de la preuve de gangstérisme. «Je ne vois rien d'autres qu'un excès de zèle», de dire Me Grenon.