Une fois de plus, l'industrie du cheval de course se meurt et supplie le gouvernement de lui venir en aide, mais cette fois elle ne pourra pas compter sur Québec pour la sauver.

La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, est demeurée inflexible, mercredi, en commission parlementaire, en rappelant qu'il n'était pas question d'injecter un sou de plus dans cette industrie moribonde, qui a déjà grugé 400 millions $ de fonds publics depuis une dizaine d'années.

Québec a donc opposé une fin de non-recevoir au sénateur Paul Massicotte, propriétaire d'Attractions hippiques, venu dire que l'industrie était vouée à disparaître «d'ici quelques semaines» si le gouvernement et Loto-Québec n'intervenaient pas.

Attractions hippiques est l'entreprise qui a été choisie par Québec, en 2005, lorsque le gouvernement a décidé de privatiser les quatre hippodromes du Québec, dans le but de relancer l'industrie des courses de chevaux, qui emploie 3000 personnes.

De son côté, amer, M. Massicotte prétend que le gouvernement et Loto-Québec n'ont pas respecté leur partie du contrat.

Il pourrait donc perdre les 22 millions $ qu'il a investis dans ce projet.

«C'est clair que le but c'est de sortir le gouvernement de tout cela», a confié la ministre des Finances, avant son témoignage en commission parlementaire.

«Moi, je n'ai pas l'intention de mettre plus d'argent dans ça», a-t-elle tranché.

Sauf que Québec n'en a peut-être pas fini avec les hippodromes, car il n'est pas exclu que le sénateur Massicotte, qui se sent floué dans toute cette affaire, intente des poursuites contre Québec, dans l'espoir de récupérer une partie de son argent.

Lorsqu'il a acquis les hippodromes, en décembre 2005, le contrat prévoyait qu'il devait déménager l'hippodrome de Montréal (Blue Bonnets) dans la couronne nord de la métropole.

Loto-Québec devait joindre au nouvel équipement un Ludoplex contenant 1100 appareils de loterie vidéo (ALV) qui devaient rapporter à l'entreprise 25 millions $ annuellement.

Or, deux ans et demi plus tard, M. Massicotte n'a toujours pas réussi à trouver un terrain où s'installer et réaliser ce projet de 75 millions $.

Il misait sur un terrain à Laval, mais la ministre de l'Education et députée de Fabre, à Laval, Michelle Courchesne, a pris position publiquement pour dire qu'il n'y aurait jamais d'hippodrome à Laval ou dans la couronne nord.

C'était «pas qu'une moyenne jambette au projet», a jugé le leader parlementaire adéquiste, Sébastien Proulx.

Une dizaine de milliers de citoyens de Laval avaient signé une pétition pour s'opposer au projet.

Pour le promoteur, il en résulte un manque à gagner important et son entreprise est au bord de la faillite.

«S'il n'y a pas de changement, c'est certain que l'industrie va tomber. Il y a 3000 emplois et des milliers de familles qui vont subir les conséquences, et c'est urgent», a plaidé M. Massicotte, en point de presse.

En juin dernier, l'entreprise a dû se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers.

En juillet, elle a pu, grâce à la Cour supérieure, gagner un peu de temps, en s'engageant à présenter un plan de redressement d'ici le 9 octobre.

Dans l'intervalle, Attractions hippiques ne remplit pas ses obligations, dont celle d'octroyer des bourses aux hommes de chevaux.

En 2005, M. Massicotte s'était engagé à verser 153 millions $ en bourses, sur une période de cinq ans.

Réclamée par l'opposition officielle, la commission parlementaire qui étudie le dossier cherche à savoir si le processus de privatisation s'est fait dans les règles, et veut comprendre pourquoi on se retrouve dans une telle impasse.

Jeudi, le président de Loto-Québec, Alain Cousineau, doit témoigner à son tour.

Il devra sûrement se prononcer sur la mise en demeure déposée par Attractions hippiques, pour obtenir un dédommagement à la suite du manque à gagner subi.

M. Massicotte estime que tout ce cafouillage lui fait perdre 18 millions $ par année.

Pour expliquer la déroute de l'industrie, la ministre Jérôme-Forget a noté que l'intérêt des Québécois pour ce type d'activités n'était pas au rendez-vous.

Quand le député adéquiste Sylvain Légaré lui a demandé si elle croyait à cette industrie, elle a éludé la question pour finir par répondre qu'elle ne croyait «pas aux miracles».

En point de presse, elle a indiqué que l'industrie pourrait éventuellement survivre, mais sur des bases «plus modestes», sans vouloir élaborer.

Du côté péquiste, on estime que Québec a mal géré le processus de privatisation et qu'on n'a pas demandé suffisamment de garanties d'investissement de la part du promoteur.

Attractions hippiques affirme pour sa part avoir rempli ses engagements et fait des investissements supérieurs à ce qui lui avait été demandé.

L'entreprise doit une cinquantaine de millions de dollars à ses créanciers.