L'opposition fédérale a multiplié hier les demandes pour qu'Omar Khadr soit rapatrié au pays, au lendemain de la divulgation de documents secrets qui font état de mauvais traitements subis par le jeune homme à la prison de Guantánamo.

Le premier ministre Stephen Harper a refusé de changer sa position. «La situation reste la même, a-t-il dit en conférence de presse au Japon. M. Khadr est accusé de choses sérieuses. Il y a un processus légal aux États-Unis. M. Khadr peut présenter sa défense à son procès.»

«Nous n'avons pas de solution de rechange pour arriver à la vérité concernant ces accusations, a poursuivi M. Harper. Nous pensons que ce processus doit continuer. Alors nous sommes en train de regarder tout cela avec beaucoup d'attention tout en continuant de nous assurer que M. Khadr est bien traité.»

Privation de sommeil

Un document rendu public mercredi et émanant du ministère des Affaires étrangères explique comment le détenu a été privé de sommeil continu pendant plusieurs semaines avant un interrogatoire, «afin de le rendre plus disposé et décidé à parler».

Appelée «Frequent Flyer Program», la technique utilisée consiste à empêcher le détenu de dormir plus de trois heures de suite, en le changeant de cellule à intervalles réguliers. «Il sera bientôt placé en isolement et interviewé à nouveau», a précisé Scott Heatherington, le directeur de la division de renseignements étrangers des Affaires étrangères dans la note du 20 avril 2004.

Ce document et d'autres provenant du Service canadien du renseignement de sécurité, remis aux avocats de M. Khadr mercredi, racontent aussi comment le prisonnier a uriné sur une photo de famille fournie par des représentants canadiens.

«Après deux heures passées seul et croyant sans doute qu'il n'était plus observé, Omar a posé sa tête sur la table, à côté de la photo, ce qui a été interprété comme un geste d'affection», a ajouté M. Heatherington.

Désinformation

Selon les avocats de M. Khadr, cela constitue la preuve que le gouvernement mentait lorsqu'il a affirmé à plusieurs reprises qu'il avait obtenu l'assurance auprès des Américains que le prisonnier n'était pas maltraité à Guantánamo.

«Il est maintenant prouvé que ce mantra répété à satiété était une tentative de désinformer le public canadien», a écrit Dennis Edney, l'un de ses avocats d'Edmonton, dans une déclaration remise aux médias.

Mais le premier ministre Harper a lui-même nié ces accusations. Il a aussi refusé de se plier aux demandes renouvelées des partis d'opposition en faveur du rapatriement du jeune homme de 21 ans.

Rappelons qu'Omar Khadr a été arrêté à 15 ans en Afghanistan lors d'un affrontement avec l'armée américaine. Il est accusé d'avoir tué l'un des soldats. Il est le seul Occidental à être toujours détenu à Guantánamo.

«Nous voulons qu'il revienne au Canada et s'il y a des preuves, qu'on lui fasse un procès en vertu des lois canadiennes», a indiqué le député néo-démocrate d'Outremont, Thomas Mulcair.

Dion pas au courant

Le chef libéral Stéphane Dion a déclaré qu'il n'était pas au courant de ces mauvais traitements avant d'en être informé par les médias. Les libéraux étaient au pouvoir au moment des faits.

«Ce sont des allégations graves que M. Khadr aurait été victime de tels sévices, a-t-il dit. Il faut donc que les autorités canadiennes changent leur point de vue et le rapatrient au Canada.»

«Nous continuons à demander le rapatriement d'Omar Khadr, a pour sa part déclaré la députée bloquiste Johanne Deschamps. À la place du gouvernement, je serais gênée. Nous avons posé plusieurs questions par rapport à son traitement à Guantánamo à la Chambre des communes, et chaque fois on nous a ressorti la même cassette. On a aujourd'hui la preuve du contraire.»

Avec Gilles Toupin.