Pour le nouveau président de l'Association médicale canadienne (AMC), le radiologue Robert Ouellet, du Québec, l'augmentation de la présence du privé en santé est inéluctable et les gouvernants devraient cesser de nier la tendance et avoir le courage de fixer des balises pendant qu'il en est encore temps.

Dans son allocution prononcée mercredi dans le cadre du congrès annuel de l'AMC, M. Ouellet a lié la viabilité du système canadien de santé à l'intégration ordonnée des services fournis par le secteur privé.

«Il nous faut sortir la tête du sable et reconnaître que le système privé en santé existe presque partout dans le monde, qu'il existe au Canada et qu'il existe encore davantage au Québec. Ma propre pratique en radiologie en témoigne», a-t-il dit aux quelque 200 médecins canadiens présents.

«Pourquoi empêcher, là où c'est faisable, une pratique mixte pour des chirurgiens qui fournissent 90 pour cent de leurs services en milieu hospitalier et qui feraient cinq ou dix pour cent de leurs chirurgies en privé, par manque de disponibilité de salles d'opération?» a-t-il demandé.

Le docteur Ouellet a soutenu qu'il est intolérable que le Canada ait un système de santé de deuxième classe, qu'il arrive bon dernier (30e sur 30 pays étudiés) lorsque l'on considère les résultats obtenus par rapport à l'argent investi. À son avis, un coup de barre s'impose pour que le nombre de médecins et d'étudiants en médecine augmente.

Aux politiciens à qui il reproche leur retard à regarder la réalité en face, le docteur Ouellet a fait part de ses inquiétudes. «À l'heure actuelle, je trouve important de ne pas laisser se développer le privé de façon anarchique, de façon sauvage», a-t-il dit.

«Les gouvernements et les diverses personnes qui nient l'existence du secteur privé en santé laissent ainsi se développer diverses initiatives. Ce sont peut-être de grandes corporations qui vont venir et les compagnies d'assurance. Il faut absolument que les médecins aient un contrôle. C'est ce qui a été fait avec la loi qui a été présentée au Québec où, par exemple, en radiologie, il faut que 50 pour cent des actionnaires soient des radiologistes afin d'éviter qu'un médecin devienne simplement un employé d'une grande corporation», a-t-il dit.

«Plutôt que de nier l'existence du secteur privé en santé, nous devons établir des règles avant qu'il ne soit trop tard. Le secteur privé est là, il continue, il va probablement grossir un petit peu. Nous devons le réguler», a-t-il ajouté, en conférence de presse.

Le docteur Ouellet a dit ne pas craindre l'exode massif des médecins vers le privé. «Il y a une limite qui va être atteinte très facilement», a-t-il soutenu.

Finalement, au ministre fédéral de la Santé, Tony Clement, qui s'interrogeait lundi sur l'éthique des médecins qui sont en faveur des centres d'injection supervisée pour toxicomanes, le nouveau président de l'AMC a servi une réplique virulente, ce qui lui a valu des applaudissements nourris des congressistes.

«Nous avons reçu une bonne formation, nous nous dévouons pour nos patients et nous leur prodiguons d'excellents soins, a dit le docteur Ouellet. Nous n'avons pas de leçons à recevoir d'un politicien au sujet de l'éthique des médecins. Ce n'est pas un politicien qui va venir nous donner des cours d'éthique. Je pense que pour monsieur le ministre, le message est clair.»