À l'occasion de la conférence internationale sur le vieillissement, qui s'ouvre cette semaine à Montréal, La Presse s'est entretenue avec Irene Hoskins et Jane Barratt, respectivement présidente et secrétaire générale de la Fédération internationale du vieillissement, une organisation consultative des Nations unies.

Q Que représente le vieillissement de la population mondiale qui s'annonce?

R Irene Hoskins: C'est l'un des plus importants défis auxquels font face les sociétés partout sur la planète aujourd'hui. C'est un tournant fondamental de l'histoire de l'humanité et ce sera la caractéristique démographique essentielle du XXIe siècle. Mais il faut aussi dire que la longévité, le fait de vivre plus vieux, c'est d'abord et avant tout un triomphe pour l'humanité.

Q Comment se mesure le vieillissement de la population?

R IH: En 2050, un humain sur cinq aura 60 ans et plus. Aujourd'hui, c'est deux fois moins, un sur 10. Le groupe d'âge qui croît le plus actuellement est celui des 80 ans et plus. Dans le monde industrialisé, c'est un processus plus lent. Le monde développé a eu le temps de s'y préparer. Par contre, dans les pays en développement, ce sera un phénomène nouveau et plus soudain. C'est dû aux améliorations en santé publique, surtout pour les maladies infectieuses.

Q Quelles sont les conséquences de ce vieillissement?

R IH: Dans un pays comme le Canada, des concepts comme les rentes de retraite et les soins de santé sont acceptés comme des besoins. Il y aura des ajustements à faire, mais c'est en place. Dans le monde en développement, ils n'ont pas eu le temps de se préparer. Ils deviennent vieux avant de devenir riches.

Q Quelles tendances observe-t-on actuellement?

R IH: Des tendances surprenantes: les taux d'invalidité régressent ou se stabilisent alors même que la population vieillit. Les atteintes plus graves sont repoussées vers la phase plus avancée de la vieillesse.

Q Quel est le thème de la conférence?

R IH: L'environnement physique, qui n'est pas toujours adapté aux réalités du vieillissement.

Janet Barratt: Mais il y a aussi l'environnement social, la discrimination, les obstacles au maintien au travail, l'adaptation du milieu de travail. On a besoin de changer les attitudes face au vieillissement. Il y aura pénurie de main-d'oeuvre, alors il faut que les entreprises reconnaissent la valeur des travailleurs plus âgés et, par conséquent, qu'elles acceptent des modes de travail plus flexibles.

IH: Pour ce qui est de l'aménagement urbain, ce n'est pas sorcier: il faut regarder les escaliers, les trottoirs, les traverses pour piétons et les espaces publics. Il faut les concevoir pour prévenir les chutes et faciliter l'accès aux fauteuils roulants. Il faut vérifier combien de temps il faut pour traverser une rue à la vitesse d'une personne âgée et ajuster les feux de circulation en conséquence. Et ces améliorations profitent à d'autres: femmes enceintes, jeunes enfants, handicapés, etc.

JB: Sinon, vous allez voir les villes se vider. Les citoyens plus vieux vont les quitter. Et ça va être mauvais pour les affaires.

Q Comment adapter la ville aux besoins des personnes vieillissantes?

R JB: À Tokyo, il y a des ascenseurs publics et des indications pour les handicapés visuels. À Copenhague, il y a des bancs publics partout, à des intervalles de 100 mètres maximum. Les familles qui comptent des membres plus vieux profitent pleinement de la ville. Et c'est bon pour les affaires.