La compagnie Rio Tinto Alcan a failli se retrouver avec un accident de travail majeur sur les bras en plus d'un déversement de boues rouges dans la rivière Saguenay mercredi matin sur les terrains du complexe Jonquière, juste derrière de l'usine du fluorure.

"Vous pouvez vous imaginer ce que ça fait une conduite de six pouces de diamètre qui asperge des gens avec un mélange de soude caustique, d'eau chaude et de boues rouges qui sortent avec une pression de 200 livres. Ça ne s'imagine même pas. Pourtant, nous sommes passés à quelques heures de vivre un événement du genre", a expliqué au Quotidien un travailleur dont la version a été confirmée par d'autres sources.

Le fil des événements reconstitué par Le Quotidien au cours des dernières heures confirme que les employés d'une firme de sous-traitance ont coupé sans aucune autorisation une conduite de six pouces non cadenassée selon la procédure de sécurité sans savoir qu'à tout moment, elle aurait pu être mise sous pression comme c'est survenu le matin du déversement. Toute cette affaire a débuté lundi matin alors que les opérateurs de l'usine Vaudreauil (hydrate 1) ont procédé à la mise sous cadenas d'une conduite de six pouces de diamètre afin qu'elle puisse être réparée.

Il s'agit du projet numéro 331-5575 qui devait être réalisé en octobre 2007 et qui a finalement été mis de l'avant lundi. Les travailleurs de la firme devaient remplacer des supports de tuyau pour éviter qu'un déversement de boues rouges semblable à celui d'avril 2007 ne se produise à nouveau. La conduite identifiée dans le projet, comme c'est généralement le cas dans les installations d'Alcan, est doublée par une conduite jumelle pour permettre de poursuivre les informations en tout temps.

"Ils ont probablement décidé de couper un tuyau pour travailler plus facilement sur celui qui avait été cadenassé. Un travailleur du groupe a dû passer sa main sur le métal et comme il était froid, il a décidé qu'il n'y avait pas de danger. Il ne savait pas que ce tuyau pouvait être utilisé pour détourner le système. C'est surprenant puisqu'ils ont tout simplement coupé le tuyau alors que normalement, quand on répare une section de tuyau, on défait la section en utilisant les boulons", a repris le travailleur rencontré.

Heureusement, pendant toute la journée de mardi et une partie de la nuit mercredi, le système d'évacuation des résidus de boues rouges a fonctionné normalement. Un peu avant 5 heures mercredi matin, les opérateurs ont constaté que la station Bopile, qui permet de faire un traitement final aux boues rouges, ne fournissait plus à la tâche. Les opérateurs de l'usine Vaudreuil ont suivi la procédure pour ce genre de situation et détourné les résidus vers la conduite disponible qui n'avait pas été cadenassée.

Ce changement a été effectué peu après 5h et les employés du sous-traitant n'étaient pas encore sur le chantier. Les opérateurs, de leur côté, étaient loin de se douter que la conduite disponible pour contourner le système au besoin avait été complètement sectionnée. Ce sont des employés de l'usine de fluorure située juste à côté du site du déversement qui ont donné l'alerte.

"Normalement, quand il y a un chantier avec un sous-traitant, le chargé de projet d'Alcan peut exiger la présence d'un responsable en sécurité du secteur concerné. Dans ce cas, la présence n'était pas requise. Les représentants en sécurité sont des travailleurs qui connaissent bien les dangers et risques et sont en mesure de soumettre des idées et même d'informer le sous-traitant des procédures", ajoute un autre travailleur qui possède une longue expérience des opérations de l'usine Vaudreuil.

Les travailleurs d'Alcan interrogés au cours de la journée d'hier ont souligné deux problèmes majeurs dans la procédure. Dans un premier temps, personne ne comprend pourquoi un sous-traitant coupe une conduite sur le site sans se soucier de savoir si cette conduite est utilisée ou non. En second lieu, ils soulèvent un problème majeur de communication et de suivi du sous-traitant de la part du chargé de projet.