Plus d'un Québécois sur 10 en souffrirait. La même proportion d'Américains aussi. Chez les Canadiens, c'est un peu moins: 6% seulement de la population, selon les derniers sondages. L'indécision de l'électeur avant d'apposer son X dans une case angoisse les politiciens en tête de course, fait rêver les candidats moins populaires, et donne de gros maux de tête aux sondeurs.

Mais ces électeurs qui se disent indécis, le sont-ils vraiment? La plupart d'entre eux auraient déjà fait leur choix... inconsciemment. C'est en tout cas ce que révèle une étude canadienne publiée aujourd'hui dans le magazine Science.

Aux fins de l'étude, les chercheurs ont interviewé 129 résidants de la ville de Vicence en Italie. L'automne dernier, un projet d'agrandissement d'une base militaire américaine divisait les citoyens. Les chercheurs ont utilisé un «test d'association mentale implicite» aux résidants participants pour savoir ce qu'ils en pensaient vraiment.

Les participants ont visionné des images de la base militaire - des photographies générales et neutres - accompagnées de mots à connotation clairement positive ou négative. Lorsqu'ils voyaient un mot «positif» - par exemple «joie» -, ils devaient appuyer sur un bouton à la droite du clavier. Lorsque le mot était négatif - comme «affreux» -, ils devaient appuyer sur un autre bouton à la gauche du clavier. Dans un second exercice, les participants devaient répondre aux images le plus rapidement possible en utilisant un seul bouton, positif ou négatif. «Notre hypothèse était que les participants avec une (préférence inconsciente) positive à l'endroit de la base militaire auraient plus de facilité à répondre aux images associées à des mots positifs que négatifs», dit Bertram Gawronski, de l'University Western Ontario. Les chercheurs ont donc mesuré le temps de réponse et le taux d'erreur pour déterminer si le participant pouvait être inconsciemment en faveur ou contre le projet d'expansion.

Une semaine plus tard, alors que les participants avaient tous fait leur choix, les résultats ont démontré que les chercheurs avaient pu prédire leur décision finale à partir des tests d'association mentale automatique.

Les résultats montrent également qu'il est très difficile de faire changer d'idée quelqu'un qui a consciemment fait un choix. «Les élections sont plus souvent gagnées par ceux qui sont capables d'aller chercher le vote des indécis, dit M. Gawronski. Pour eux, c'est toujours possible de changer d'idée.» Une mince possibilité, nuance toutefois le chercheur, puisqu'ils ont souvent fait un choix inconscient.

Cette méthode pourrait-elle être utilisée par les sondeurs pour obtenir des résultats encore plus précis? «Oui, je crois que c'est possible même s'il y a encore un peu de travail à faire», dit M. Gawronski. De simples questions au téléphone ne suffiraient pas à obtenir des résultats fiables. « Mais les sondeurs pourraient se servir de tests sur l'Internet pour obtenir des informations supplémentaires sur les indécis.»