Le cyberespace constituera le grand défi du Directeur général des élections (DGE), lors de la prochaine campagne électorale.

A défaut de pouvoir contrôler tout ce qui circule sur Internet, le DGE tentera au moins, dans la mesure du possible, d'y faire régner la loi.

Dans les années 70, le Québec s'est doté d'une politique stricte de contrôle des dépenses électorales, qui peut paraître aujourd'hui désuète quand on considère l'intérêt marqué des citoyens, militants et des partis politiques pour l'univers du web, lieu privilégié où passer désormais leurs messages.

Maintenant qu'il est acquis que la Toile deviendra chaque jour davantage indissociable de l'univers politique, particulièrement en période de fièvre électorale, le DGE, Marcel Blanchet, se sent obligé d'intervenir.

Ainsi, La Presse Canadienne a appris, mardi, que pour éviter de voir les militants politiques et les citoyens se servir d'Internet à des fins électorales, le DGE a mis sur pied un groupe de travail qui devra lui remettre en septembre un rapport et des recommandations sur les actions à privilégier.

Dans cet esprit, il semblerait logique que le DGE recommande aux parlementaires de modifier la loi, pour lui permettre d'intervenir dès la prochaine campagne électorale, lorsqu'un incident lui sera rapporté.

Par exemple, la définition même de ce qu'on considère come une «dépense électorale» pourrait bien devoir être révisée, étant donné que la diffusion de messages sur Internet peut se faire sans frais.

Aussi, pour contourner cette difficulté, un des scénarios envisagés consiste, curieusement, à élargir la définition de «dépense électorale» de manière à inclure un message n'ayant en fait entraîné aucune dépense.

Qu'il s'agisse de chansons politisées sur You Tube, blogues, chaînes de courriels ou de vidéos, tout l'univers du cyberespace est examiné sous l'angle de l'avantage indu qu'il pourrait procurer à l'un ou l'autre parti.

En campagne électorale, toutes les dépenses d'un parti doivent avoir été autorisées par un agent officiel.

Mais le problème soulevé ne vient pas tant des partis politiques comme tels, qui ont appris à se policer et à respecter les règles du jeu, mais plutôt d'internautes soucieux d'influencer l'opinion publique.

«Le problème, c'est les tiers, les gens qui, de leur sous-sol, ou des groupes qui ne sont pas autorisés par un agent officiel, qui décident d'utiliser Internet pour diffuser un message», explique le porte-parole du DGE, Denis Dion.

«S'il y avait des gens créatifs comme les Têtes à claques qui intervenaient en période électorale et qui attiraient l'attention beaucoup avec un document vidéo diffusé par Internet, cela soulèverait des questions», ajoute-t-il, pour citer un exemple de dérapage.

A l'heure actuelle, les particuliers ont le droit de dépenser jusqu'à 300 $ en publicité électorale. Le DGE examinera aussi la pertinence de recommander de hausser ce plafond.

Pour mener à bien sa tâche, le groupe de travail, formé de cinq experts, s'est inspiré de ce qui se faisait allleurs, soit en France, en Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis, de même que dans les autres provinces et à Ottawa.

Le DGE a remarqué une croissance «pratiquement exponentielle» de l'utilisation du cyberespace en période électorale, si on compare le scrutin de 2003 à celui de 2007.

«Si on se prépare, c'est qu'on s'attend à ce qu'il y en ait au moins autant, et sans doute plus» la prochaine fois, qui pourrait arriver plus tôt que prévu dans un contexte de gouvernement minoritaire, rappelle M. Dion.

Dans ses recommandations, le DGE cherchera à maintenir l'équilibre entre la liberté d'expression et l'équité des forces en présence, tout en proposant des mesures applicables, un défi en soi.

Soucieux de prévenir de probables dérapages, le DGE ne prétend pas pas pour autant se transformer en «police du web», ce qui serait de toute façon illusoire.

Toute la question de rendre applicables d'éventuels nouveaux règlements ou articles de loi demeure donc entière.

«Il faut se demander comment on peut appliquer des règles qui concernent des interventions sur quelque chose d'aussi immense et complexe que l'Internet», conclut M. Dion.

Durant la dernière campagne, en mars 2007, le DGE avait conclu que les blogues pouvaient être considérés comme des «lettres aux lecteurs» donc être légaux, mais que les vidéos critiquant le gouvernement sur YouTube s'apparentaient à des dépenses électorales.

Il avait donc fait retirer une dizaine de vidéos produits par deux citoyens, «Les Alarmistes», qui critiquaient le gouvernement Charest.