Il y eut des colombes et des ballons pour «Pipo», comme on surnommait Fredy Villanueva. Et beaucoup de pleurs aussi, alors qu'on portait hier ce tout jeune homme à son dernier repos. Ce garçon sans histoires a été abattu samedi par un policier. Une émeute s'en est suivie, et les violences vont reprendre, prédisent certains. Car les communautés culturelles se méfient du SPVM, ce qui ne manque pas d'inquiéter le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis.

Lorsque le cercueil de son fils est descendu dans la terre, Lilian Villanueva a poussé des cris stridents et s'est effondrée sur le sol. Ses enfants l'ont soutenue, en larmes, avant de jeter quelques poignées de terre dans la tombe. Ses proches ont ensuite entonné à l'unisson une chanson en espagnol, Paix en la tourmente.

«Pour nous, c'est la tristesse et la douleur, mais pour Fredy, c'est le repos», a ensuite affirmé le pasteur Jorge Marquez.

Plus de 150 personnes ont assisté à l'enterrement de Fredy Villanueva hier après-midi au cimetière de Laval. Une heure plus tôt, près de 300 parents, amis et inconnus s'étaient entassés dans la chapelle du complexe funéraire Magnus Poirier, à Montréal-Nord, pour lui rendre un dernier hommage.

«Fredy était un bon fils, un bon frère et un bon ami qui restera toujours dans nos coeurs, a affirmé, la gorge nouée, sa soeur Carla Villanueva lors du service funéraire. Je voudrais remercier tous les gens qui sont venus nous appuyer aujourd'hui dans notre douleur.»

La famille du défunt a également tenu à souligner la présence de personnes provenant de toutes les communautés culturelles. Près de la moitié de l'assistance était d'origine haïtienne.

Avant de quitter la chapelle, le pasteur, qui connaissait Fredy depuis cinq ans, a lancé un appel au calme. «Ce moment en est un de réflexion pour les jeunes et les adultes», a-t-il dit.

Puis, dans un lourd silence, le cercueil de Fredy Villanueva a fait sa sortie du complexe funéraire, porté par le frère et les cousins du jeune homme. À l'arrière, la mère et les soeurs de Fredy, qui portaient des t-shirts à l'effigie du garçon souriant.

Le long cortège s'est arrêté quelques instants, à l'extérieur du complexe. Les uns après les autres, des proches de la famille et de purs inconnus se sont succédé afin de toucher le cercueil de Fredy. Puis on a libéré une vingtaine de colombes et lâché une centaine de ballons blancs.

Tout juste après avoir laissé sa colombe s'envoler, la mère de Fredy a craqué. Elle s'est appuyée sur la cage des oiseaux pour pleurer pendant de longs instants, ses pénibles cris de douleur venant percer le silence.

De nombreux inconnus, émus par la scène, n'ont pu retenir leurs larmes. «Je ne connaissais pas ce jeune homme, mais j'habite Montréal-Nord. C'était une mort inutile. C'est tellement triste», a dit une dame, en s'essuyant les yeux.

Le calme après la tempête?

La famille Villanueva avait exprimé le désir de vivre ce moment loin des caméras, et ce sont deux intervenantes communautaires qui ont pris la parole tout juste après les funérailles.

"Nous tenons à remercier la population de sa solidarité et de sa fraternité, a déclaré la directrice de l'organisme les Fourchettes de l'Espoir, Brunilda Reyes. La famille veut le calme. Elle veut que l'on démontre que Fredy n'est pas parti pour rien."

Mme Reyes a aussi promis que les organismes communautaires de Montréal-Nord seraient davantage à l'écoute de la population, à la suite des événements tragiques de la dernière semaine.

Samedi soir dernier, Fredy Villanueva a été abattu par un policier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Le lendemain, une violente émeute a secoué Montréal-Nord.

Avant et après les funérailles, de nombreux jeunes ont exprimé leur profonde frustration à l'égard du travail des policiers, samedi et dimanche.

"Tout le monde le sait que c'était un bon gars et qu'il ne méritait pas ça. Tout le monde le sait qu'il n'avait rien fait de mal! C'était un adolescent qui tentait de protéger son frère!" s'est indignée une jeune fille qui a étudié au secondaire avec Fredy.

"Que justice soit faite! J'espère que l'agent Jean-Loup Lapointe (qui aurait tiré sur Fredy) a des remords en ce moment. J'espère qu'il en souffre", a ajouté Adjani, 18 ans, la voix brisée par l'émotion.

D'autres pressentaient une reprise des violences ce week-end, pour marquer l'anniversaire de la mort de Fredy.

"Il n'y a pas de doute, il va y avoir une reprise des violences. Ça fait beaucoup trop longtemps que la police se prend pour Dieu dans Montréal-Nord, a dit Jonathan Bouffard, alors qu'il entrait au complexe funéraire. Il va y avoir de la violence. Ça ne s'arrêtera pas là. Autant les mauvais jeunes que les bons sont révoltés par la mort de Fredy."

"Dimanche, ce n'était qu'un apéritif", a-t-il prédit.