Au cours des huit dernières années, la consommation de médicaments dans les pénitenciers fédéraux a fait un bond spectaculaire de 188%. Cette année, plus de 24 millions de dollars en fonds publics serviront à payer les médicaments des prisonniers du pays, selon des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Chaque détenu séjournant dans les pénitenciers fédéraux dépense en moyenne 1900$ par année en médicaments. C'est bien plus que la moyenne des citoyens. Chaque Canadien dépense en moyenne 735$ par année en médicaments prescrits ou non prescrits, selon l'Institut canadien d'information sur la santé. Mais seulement la moitié de ces frais sont remboursés par le système de santé public alors que les médicaments des détenus sont entièrement payés par le gouvernement canadien.

Dans certains établissements carcéraux, la consommation de médicaments par les détenus atteint des sommets. Au Centre fédéral de formation, un établissement à sécurité minimale de Laval, chaque détenu consomme en moyenne 3400$ de médicaments par année. À La Macaza, un pénitencier pour délinquants sexuels, chaque prisonnier consomme en moyenne 2560$ de médicaments annuellement.

Il y a quelques semaines, La Presse révélait que les dépenses en médicaments dans les prisons provinciales ont été de 4 500 000$ en 2007 au Québec et que chaque détenu consomme en moyenne pour 1020$ de médicaments annuellement. Force est de constater que les prisonniers qui séjournent dans des pénitenciers fédéraux sont bien plus médicamentés.

De toutes les provinces canadiennes, c'est dans les pénitenciers du Québec que la consommation est la plus élevée (des dépenses de plus de 6,6 millions$ en 2007). L'Ontario suit de près (un peu plus de 6 millions de dépenses en 2007).

De tous les pénitenciers du pays, c'est au Centre psychiatrique régional des Prairies, situé à Saskatoon, que les dépenses en médicaments sont les plus hautes (786 000$ en 2007). Le pénitencier Stony Mountain de Winnipeg suit de près (774 000$). Le Québec n'est pas en reste. Le Centre fédéral de formation arrive au troisième rang (763 000$). Le pénitencier de La Macaza arrive ensuite avec 698 000$ de dépenses annuelles. Depuis 1999, la consommation de médicaments à La Macaza a fait un bond spectaculaire de 300%.

L'explosion des coûts de médicaments dans les pénitenciers fédéraux peut s'expliquer de plusieurs façons. «Les coûts des médicaments ne cessent d'augmenter au pays. Pour la population en général, mais aussi pour les détenus», note la conseillère principale en relations médias au SCC, Lyne Brunette. Elle ajoute que le pourcentage de maladies infectieuses est en croissance dans les pénitenciers. Les détenus affichent actuellement des taux d'infection au VIH entre 7 et 10 fois plus élevés que dans la population canadienne en général, et des taux d'infection à l'hépatite C environ 30 fois plus élevés.

«Les détenus ont aussi plusieurs troubles mentaux et problèmes de toxicomanie. Ils sont aussi plus enclins à souffrir d'anxiété, de dépression et de maladie chronique. Avec tout ça, c'est normal que leur consommation de médicaments soit plus élevée», dit Mme Brunette.

Services médicaux déficientsUn rapport rédigé en avril dernier par Service correctionnel Canada (SCC) et obtenu par La Presse révèle que les services médicaux offerts dans les pénitenciers fédéraux sont déficients.

Le document révèle que les condoms, les digues dentaires, l'eau de javel et les lubrifiants ne sont pas assez facilement disponibles dans 50% des établissements du SCC.

Le rapport soulève également des inquiétudes quant à la propreté des centres de santé des pénitenciers du pays. On déplore que des détenus qui sont chargés de nettoyer les infirmeries n'aient pas reçu de formation. Conséquence: plus de 30% des infirmeries du SCC ne sont pas suffisamment propres.

Avec la collaboration de William Leclerc.