Le problème des gangs de rue à Longueuil prend de l'ampleur depuis un peu plus de 10 ans. Aujourd'hui leurs membres jouent dans la cour des grands criminels.

«Avant 2000, les gangs de Montréal venaient faire leur business ici. Puis certains ont déménagé ici et d'autres se sont joints à eux. Maintenant, des gars de gangs de Longueuil sont vus à Montréal, Québec, Gatineau, Sainte-Julie et dans la MRC de Roussillon. C'est le temps d'agir», indique l'inspecteur-chef Marc Rodier, de la police de Longueuil.

En 1997, un jeune policier a infiltré l'école secondaire Gérard-Fillion. Ses découvertes ont mis en lumière l'existence de gangs de rue sur la Rive-Sud. «C'était effarant, tout ce qu'il a trouvé. Le gang qui vendait de la drogue au métro Longueuil était vraiment organisé. Il louait un appartement en face, dans l'immeuble du Port de mer», se souvient Pascale Philibert, spécialiste des gangs au centre jeunesse de la Montérégie.

L'opération, baptisée Espadon, avait donné lieu à 26 arrestations. Mais les accusés ont écopé de peines minimes et ont repris rapidement leurs activités criminelles. La police de Longueuil n'aime pas qu'on lui rappelle cette enquête. «On n'avait pas les mêmes moyens d'enquête, ni le même budget, ni le même nombre de policiers. Avant les fusions, il y avait sept corps policiers sur le territoire. C'était impossible de lutter contre les gangs», explique le commandant Rodier.

Toujours en 1997, quatre jeunes de la polyvalente Jacques-Rousseau se sont suicidés après avoir été victimes de taxage. Leurs agresseurs faisaient partie d'un gang. «À l'époque, c'était tabou de parler de gangs. Les écoles niaient le problème», indique Marie-France Lamarche, intervenante à la maison de jeunes Kekpart.

Huit gangs

Il y a huit gangs comptant environ 80 membres dans l'agglomération de Longueuil, selon la police. Ils se concentrent dans le Vieux-Longueuil, Brossard, Greenfield Park et Le Moyne. Plusieurs gangs ne portent pas de nom et ne sont pas nécessairement affiliés aux gangs rivaux des Bleus ou des Rouges comme à Montréal, selon la police. «On voit des groupes qui s'associent pour des règlements de compte. Sauf que ce n'est pas une affaire de couleur. Ce sont souvent des occasions d'affaires», indique le commandant Rodier.

Les plus jeunes sont attirés par les Bleus et les Rouges, nuance Pascale Philibert. «Les jeunes, qu'ils soient haïtiens, jamaïcains ou latinos, sont surtout Bleus. On commence à voir des Rouges à Greenfield Park et à Le Moyne», indique-t-elle. Récemment, des affrontements entre Jamaïcains et Haïtiens ont éclaté. Les jeunes ont de plus en plus de contacts avec le milieu criminel adulte. On ne parle plus de taxage, ici, mais de trafic d'armes, de contacts avec la mafia asiatique pour écouler de la drogue et de la fabrication de faux passeports, a constaté Mme Philibert.

La violence liée aux gangs a augmenté sur le territoire, en même temps que le trafic de drogues dures comme le crack. En mars dernier, une fusillade a éclaté au bar de danseuses nues Cabaret Doric dans le Vieux-Longueuil. En 2007, des jeunes ont échangé des coups de feu dans le stationnement du McDonald's du boulevard Roland-Therrien. Une tentative de meurtre liée aux activités d'un jeune criminel a aussi eu lieu au métro Longueuil cette année-là.

Difficile de rater ces jeunes aux allures de gangsters qui traînent dans la station de métro, jour après jour. Plusieurs commerçants s'en sont plaints à La Presse. À l'épicerie Provision express, située dans la station, le commis parle de «fléau». Chaque jour, le commerce se fait voler de la bière. «Je ne sais pas si ce sont des gangs de rue, mais ce sont des jeunes Noirs qui se tiennent en gang», raconte le commis, l'air exaspéré.