La mort tragique d'une fillette de 7 ans, placée dans une famille d'accueil de Toronto, relance le débat sur le placement d'enfants autochtones dans le pays, y compris au Québec où les Autochtones de certaines régions sont en train de s'organiser pour gérer eux-mêmes leur propre Direction de la protection de la jeunesse.

Katelynn Sampson, 7 ans, était placée depuis huit mois dans une famille d'accueil par une agence gouvernementale spécialisée dans le placement d'enfants autochtones à Toronto. Dimanche, dans la nuit, Katelynn est morte. Et sa mère d'accueil, Donna Irving, 29 ans, est maintenant accusée de l'avoir tuée.

En arrivant à la résidence de Mme Irving, dimanche, les ambulanciers ont constaté la mort de l'enfant, ainsi que «des signes manifestes de violence», précise le sergent-détective Steve Ryan, de la Police de Toronto. La petite était couverte de bleus.

Donna Irving a comparu en cour lundi et a été accusée de meurtre sans préméditation. La mère biologique de la fillette, Berenice Sampson, qui connaissait l'accusée depuis 10 ans, se trouvait dans l'assistance. «Je vais la tuer», a-t-elle hurlé au visage de l'accusée.

Le décès de la fillette braque encore une fois les projecteurs sur la problématique du placement des enfants autochtones. Comment leur assurer un milieu sain et sécuritaire tout en respectant leur culture d'origine? C'est précisément la mission de Native Child and Family Services (NCFS), de Toronto, l'organisme qui a placé la petite Katelynn chez Mme Irving. Or, cette dernière avait un casier judiciaire où figuraient des actes de violence.

NCFS est un organisme créé par le gouvernement ontarien au milieu des années 80 qui s'occupe des 19 000 jeunes autochtones vivant dans la région de Toronto. L'organisme gère, comme le fait la Direction de la protection de la jeunesse au Québec, le placement et l'adoption de ces enfants lorsque cela est nécessaire.

Hier, le directeur général de NCFS, Kenn Richard, indiquait que son organisme allait revoir tout l'historique du cas de Katelynn. «Nous allons parler à tout le monde, examiner les documents, et essayer de voir ce qui s'est passé. C'est un moment très difficile pour nous.»

Des DPJ autochtones au Québec?

Au Québec, la situation des enfants autochtones qui se retrouvent sous la protection de la DPJ fait l'objet de virulentes critiques depuis des années. C'est que les DPJ de plusieurs régions du Québec sont souvent confrontées à un dilemme: maintenir les enfants dans leur milieu ou leur assurer un milieu de vie sécuritaire. «C'est une dichotomie que nous vivons tous les jours», souligne Réal Nadeau, directeur de la protection de la jeunesse de la Côte-Nord. Dans cette région, les petits autochtones représentent 15% des enfants, mais font l'objet de 45% des signalements. «Ce n'est pas toujours évident de trouver une famille adéquate dans la famille élargie de l'enfant.»

Depuis plusieurs années, les responsables de la protection de la jeunesse dans cette région collaborent de façon très serrée avec les autorités des réserves, où l'on assure déjà certains services en matière de protection de l'enfance. Une Direction de la protection de la jeunesse autochtone serait-elle envisageable sur la Côte-Nord? Certainement, répond Réal Nadeau. «On ne sait pas trop quand ça surviendra, mais c'est une possibilité», dit-il.

Au début de l'été, le chef de l'Assemblée des premières nations du Québec, Ghislain Picard, réclamait qu'une DPJ autochtone soit créée dans toutes les régions du Québec. Le grand chef craignait que les récentes modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse, qui obligent désormais les parents d'enfants sous protection à s'amender dans un délai d'un an, n'ait l'effet d'envoyer massivement les enfants autochtones vivre à l'extérieur des réserves.

«La solution, ça serait d'avoir une DPJ autochtone, et qu'on la finance correctement», souligne Michel Deschênes, analyste politique à la Commission de la santé et sécurité des premières nations du Québec et du Labrador. Quelque 1400 enfants autochtones sont placés annuellement dans les régions du Québec. Le taux de signalement est trois fois plus élevé que dans le reste de la population.

Mais une DPJ autochtone aurait-elle l'effet d'abaisser les critères pour les familles d'accueil autochtones? «Il ne faudrait surtout pas en arriver là», dit Réal Nadeau. «Oui, il y aurait une adaptation des normes par rapport au milieu, par exemple sur le nombre de personnes qui peuvent vivre dans une maison. Mais il n'y aurait pas de compromis sur la sécurité de l'enfant», croit pour sa part Michel Deschênes.