Nouveau coup dur pour les artistes canadiens. Le gouvernement conservateur de Stephen Harper aurait décidé de supprimer en catimini un fond destiné à favoriser le développement des nouvelles technologies et des médias interactifs. Montréal, l'un des chefs de file dans ce domaine, pourrait être particulièrement touchée.

Le Globe and Mail a révélé dans son édition de samedi que Patrimoine Canada ne renouvellera pas la subvention annuelle de 14,5 millions de dollars du Fonds des nouveaux médias dont la mission officielle est de promouvoir «la conception, la production, la commercialisation ou la distribution de nouveaux médias culturels canadiens de qualité supérieure, originaux, interactifs ou en ligne».

Patrimoine Canada n'a pas commenté cette information hier, mais les principaux acteurs du milieu n'ont pas attendu sa confirmation pour monter au créneau. Ils sont échaudés. Le gouvernement a retranché depuis la mi-août 45 millions de dollars des budgets de 13 programmes visant notamment à assurer le rayonnement des artistes canadiens à l'étranger, une politique qui avait déjà fait naître un concert de critiques et poussé les artistes à sortir manifester dans les rues de Montréal mercredi dernier.

Le regroupement des producteurs multimédias croit cette nouvelle coupe aura un impact «brutal» sur l'indépendance des créateurs de Montréal et du Québec. «Le fond était le seul programme qui permettait aux producteurs de développer des projets qui ne sont pas liés à des émissions de télévision (...) et de développer des projets multimédias autonomes de langue française», a dit hier Marc Beaudet, président du RPM.

Perdre un savoir-faire

D'après ses calculs, les projets francophones seraient privés de quelque 5 millions de subventions, sur les 14,5 millions distribués dans tout le pays. «On risque de perdre à tout jamais un savoir-faire exceptionnel de la part de nos producteurs québécois», a écrit Marc Beaudet dans une lettre diffusée au membres du RPM, dont La Presse a obtenu copie. «C'est tout un volet du financement de la production multimédia qui s'envole».

«C'est comme si on coupait tout le financement du secteur de la recherche et du développement des industries. Le multimédia, c'est l'innovation, l'avenir», a renchéri en entrevue Christian O'Leary, porte-parole du Conseil des arts de Montréal. Il est d'avis que «le coup sera très dur pour Montréal en particulier, qui est très compétitif dans ce domaine.»

Le critique libéral en matière de Culture, Denis Coderre, dont le parti a promis de faire de cette question un enjeu majeur de la prochaine électorale, a sauté sur l'occasion pour tirer à boulets rouges sur les Conservateurs. «Cela confirme leur statut de dinosaure. Ils n'ont pas compris que la nouvelle génération médiatique est en pleine expansion, en plein développement.»

Selon M. Coderre, les conservateurs ne perçoivent la culture qu'en termes de «coûts». «Elle représente 7,4% de notre PIB. Ce n'est pas une dépense, mais un investissement.»

Le gouvernement Harper a aussi été accusé de «manquer de transparence», hier. «Encore une fois, le nouvelle sort une fin de semaine, ce n'est pas une coïncidence... on espère limiter l'impact», a relevé, parmi d'autres, Marc Grégoire, président de la Société des Auteurs de Radio, Télévision et Cinéma. Il craint que les consommateurs se tournent désormais vers les créations américaines ou françaises, au détriment des québécoises. «Il n'y a plus de frontières avec internet», a-t-il rappelé.

Quant à l'hypothèse que le fond soit remplacé par un nouveau programme, soulevée dans le Globe And Mail hier, elle n'a pas suffit à calmer les esprits. «Il serait beaucoup plus productif de consulter les principaux intéressés pour savoir comment améliorer ce qui est déjà en place, au lieu de tout couper et de laisser les gens dans une profonde incertitude», a dit Chrstian O'Leary.

Les artistes manifesteront mercredi dans les rues de Québec contre l'ensemble des coupes annoncées depuis le début de l'été par les Conservateurs.