Les funérailles de Fredy Villanueva ont lieu ce matin à Montréal-Nord. Certains menacent de semer la bisbille à l'occasion des obsèques pour protester contre «l'arrogance» de la police, dont un membre a abattu le jeune homme de 18 ans samedi dernier. Ce policier, ainsi que la collègue qui l'accompagnait, n'ont toujours pas été interrogés. Un délai qui relève d'une tradition contestée par les experts.

Ses amis l'appelaient Pipo. Et il semble qu'il en avait beaucoup. Hier, des centaines de résidants de Montréal-Nord ont rendu hommage à Fredy Villanueva, ce jeune homme de 18 ans tué samedi soir lors d'une intervention policière qui a mal tourné.

Il régnait un silence absolu à l'intérieur du salon funéraire, boulevard Pie-IX. La salle d'exposition était pleine. Les proches, les amis, les résidants du quartier faisaient la queue pour voir Fredy Villanueva une dernière fois. Autour du cercueil ouvert, on avait disposé d'innombrables bouquets de fleurs. Des sanglots brisaient parfois le silence.

À l'extérieur, la rancune avait gagné les proches du défunt. «Il était beau, tout le monde l'aimait, a soutenu sa cousine, Martha Villanueva, entre deux sanglots. J'étais contente qu'il y ait une émeute. Les gens ont pu savoir ce qui s'est passé.»

Elle ne voulait absolument pas voir de policiers à la maison funéraire. «S'ils étaient venus, ça aurait été un grand manque de respect.»

Denis Meas ébranlé

Denis Meas, atteint d'un projectile à l'épaule samedi soir, était ébranlé et paralysé. Autour de lui, des habitants du quartier criaient à l'injustice. «S'il n'y avait pas de pauvreté à Montréal-Nord, ce ne serait pas arrivé, s'insurgeait un jeune Noir. Je n'ai jamais vu Pipo fâché. Il ne volait pas, il ne se battait pas. Il écoutait sa mère et son frère et il aidait sa famille.»

Les jeunes étaient attroupés par dizaines autour du complexe funéraire. Ils portaient des chaînes en or, des casquettes et de larges pantalons noirs. Ils rendaient hommage à Fredy Villanueva à leur façon, en partageant bouteilles d'alcool et joints de marijuana.

À l'entrée du complexe, un ami du défunt avait un ton vengeur. «C'est dégueulasse. Les policiers ne savent pas ce qu'ils ont fait. Celui qui a tiré était bien connu dans le quartier.»

Vers 19h, les députés fédéral et provincial de la circonscription, Denis Coderre et Line Beauchamp, se sont présentés au salon. «S'il y a de la frustration, ce n'est pas le bon moment pour l'exprimer», a dit Mme Beauchamp.

Les deux politiciens comptent assister aux funérailles ce matin. «La famille nous a demandé d'être présents», a déclaré M. Coderre. Résidant de Montréal-Nord depuis 35 ans, il espère trouver des solutions aux tensions ressenties dans le quartier. «Pour l'instant, les gens veulent des réponses. C'est normal qu'il y ait de la colère. Des tensions dans une famille, il y en a toujours.»

Frustration à Montréal-Nord

Un peu plus tôt, à Montréal-Nord, des policiers à cheval patrouillaient dans le quartier. Suzi Fournier avait installé un drapeau sur lequel on pouvait lire «Solidarité - Justice». «Plus l'enquête va tarder, pire ça va être. Je voulais sensibiliser les gens au racisme dans le quartier.»

Des fleurs et des chandelles avaient été déposées à l'endroit où Fredy Villanueva a reçu la balle fatale. Le quartier ne s'était pas complètement remis de l'émeute de dimanche et il n'est pas à l'abri d'autres violences, a souligné Steve, un jeune Noir du quartier. «S'il n'y a pas de changement dans l'attitude des policiers, ça va arriver encore, a dit Steve. Je subis la répression depuis que je suis petit.»

Derrière l'épicerie du coin, des jeunes jouaient aux dés, exactement comme Fredy Villanueva avant d'être abattu. Ils buvaient des bières et se disputaient quelques dollars en criant en créole. «Quand les jeunes voient qu'un de leurs membres a été sacrifié, c'est normal qu'ils se révoltent, a dit l'un d'entre eux. C'est l'accumulation de la frustration. On est une belle communauté, mais on ne se sent pas libres.»

«�a va péter»

Des jeunes du quartier Montréal-Nord menacent de troubler les funérailles de Fredy Villanueva, aujourd'hui. Un jeune Noir qui se réclame des Bloods, un gang de rue d'allégeance rouge présent à Montréal-Nord, croit que la famille n'a pas choisi le bon quartier pour organiser les obsèques. Le boulevard Pie-IX marque la limite du territoire des Crips, d'allégeance bleue. «On ne s'entend pas avec eux, on a chacun nos couleurs, a dit le jeune de 17 ans, après avoir fait un graffiti sur un mur. Il n'y aura pas de trêve. Ça va péter.»