Un désastre : 32 morts sur les routes du Québec durant les vacances de la construction. Les mesures de prévention mises en place le printemps dernier n'ont visiblement pas atteint la cible. Les radars photo sont-ils la solution? Chose certaine, ailleurs ils ont permis de sauver des milliers de vies.

Dimanche, le premier ministre Jean Charest a déclaré que les Québécois devaient changer leur «culture» au volant. Mais les mesures adoptées par son propre gouvernement pour serrer la vis aux conducteurs ne suffisent pas, selon les spécialistes consultés par La Presse, qui estiment plutôt qu'il faudrait installer des radars photo dans l'ensemble de la province.

«Le gouvernement a voulu faire l'économie de mesures qui auraient été impopulaires», affirme le directeur du groupe de recherche en sécurité routière de l'Université Laval, Guy Paquette. Il croit que l'implantation des radars photo est l'unique solution qui permettrait de «sauver les gens malgré eux». «La seule chose qui m'empêcherait de rouler à 70 km dans une zone de 50, c'est si c'était indiqué au début d'un boulevard, "attention, surveillance automatisée"», dit M. Paquette.

L'été dernier, Jean Charest s'était déjà dit préoccupé par le bilan routier et avait fait part de son intention de changer «la culture de la conduite automobile au Québec». À la suite du dépôt du rapport de la Table de concertation sur la sécurité routière, il avait annoncé une série de mesures visant à punir plus sévèrement les conducteurs rebelles.

Depuis le mois d'avril, Québec interdit ainsi l'utilisation du téléphone cellulaire au volant et impose des amendes plus élevées pour les excès de vitesse.

Or, le bilan routier des vacances de la construction est peu reluisant si l'on compare les chiffres à ceux de l'an dernier. En effet, on a dénombré 32 décès sur les routes du Québec au cours de ces deux semaines de congé, une augmentation de 40% par rapport à l'an dernier (18 victimes).

La porte-parole de l'ADQ en matière de sécurité publique, Sylvie Roy, estime que « les nouvelles mesures du gouvernement n'ont rien changé». Paul Jean Charest, porte-parole du ministère des Transports, rétorque qu'il est «trop tôt pour juger de la validité des mesures adoptées».

Beaucoup de facteurs

Le Ministère et la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) ont tout de même du mal à expliquer la forte hausse d'accidents mortels. «Il y a beaucoup de facteurs qui peuvent entrer en jeu, par exemple le nombre de personnes sur les routes, la vitesse ou la fatigue au volant», dit Audrey Chaput, relationniste à la SAAQ.

Au ministère des Transports, on évoque l'augmentation du prix de l'essence, qui a influencé la destination des vacanciers. «Il y aurait eu plus de véhicules sur les routes du Québec, donc plus de probabilité d'accidents», selon Paul Jean Charest.

Des mesures «populistes»

Le retour annoncé des cours de conduite obligatoires et l'essai de 15 radars photo – plutôt que leur implantation définitive partout au Québec – représentent des mesures «populistes» visant à satisfaire les intérêts des uns et des autres, selon Guy Paquette.

«Pour les radars photo, on n'a pas voulu faire peur à l'industrie du camionnage, très représentée à la Table de concertation», affirme M. Paquette. De plus, selon lui, Québec n'aurait pas dû permettre l'utilisation de dispositifs «mains libres» au volant, puisque les automobilistes restent distraits malgré tout. Enfin, il affirme que les études démontrent que les cours de conduite n'améliorent pas le bilan routier. «Les fonctionnaires et les professionnels de la SAAQ et du ministère des Transports le savent très bien.»

Le directeur du Laboratoire sur la sécurité des transports, François Bellavance, croit pour sa part que le bilan routier est difficile à améliorer. «Les gains les plus faciles à faire ont déjà été faits», dit-il. Par exemple, le port de la ceinture de sécurité est maintenant généralisé, et la consommation d'alcool au volant n'est plus acceptable socialement.

«Il faudrait déployer encore plus d'efforts à plusieurs niveaux. On s'est peu attardé à la vitesse, à la fatigue au volant et à la consommation de médicaments», affirme M. Bellavance. «On a besoin de plus de recherches pour comprendre ce qui se passe et changer le comportement des gens», ajoute-t-il.

Par ailleurs, la SAAQ précise que 80% des 32 accidents mortels survenus pendant les vacances de la construction ont été causés par «le comportement humain».

«À l'échelle du Québec, la sécurité routière s'est hissée au deuxième rang des priorités des Québécois», rappelle Guy Paquette. «Cela nous préoccupe au sens large, mais sur le plan individuel, on ne se sent pas concernés», déplore-t-il.

La question de «culture au volant» de Jean Charest demeure donc plus que jamais d'actualité.