Les libéraux de Stéphane Dion tenteront de séduire les Canadiens aux prochaines élections en mettant l'accent sur la compétence de leur équipe.

Les ténors libéraux que sont les députés Bob Rae, Michael Ignatieff et Martha Hall Findlay, entre autres, seront appelés à jouer un rôle de premier plan dans l'imminente campagne électorale, qui devrait débuter le 7 septembre et se conclure par un scrutin le mardi 14 octobre, a appris La Presse.

M. Dion, à qui deux sondages attribuaient cette semaine un taux de popularité de 15%, fera donc appel à ses anciens adversaires dans la course à la direction du Parti libéral afin de rallier les électeurs.

Pendant que M. Dion sillonnera le pays en expliquant le programme libéral, Bob Rae parcourra l'Ontario, province qu'il a dirigée pendant cinq ans dans les années 90 en tant que premier ministre néo-démocrate, afin notamment d'attaquer sans merci son ancien parti et de gagner le vote de gauche au Parti libéral.

«Bob Rae jouit d'une bonne crédibilité et pourra l'utiliser pour attaquer le NPD avec efficacité», a expliqué hier un stratège libéral.

Michael Ignatieff fera pour sa part quelques sorties à l'extérieur de sa circonscription près de Toronto.

Il se rendra notamment au Québec, où il jouit toujours de l'appui d'une frange importante des militants libéraux. Sa présence au Québec pourrait aider des députés à conserver leur siège.

Le rôle de Martha Hall Findlay, partout au Canada, sera de courtiser les femmes, segment de l'électorat qui demeure quelque peu réfractaire aux conservateurs de Stephen Harper.

Ce faisant, les libéraux utiliseront une stratégie qui a porté ses fruits durant la campagne électorale de 1993. À l'époque, ils avaient mis l'accent sur l'équipe libérale de Jean Chrétien, dont faisaient partie Paul Martin, Anne McLellan, Art Eggleton, John Manley et Marcel Massé. Les libéraux avaient remporté une confortable majorité le jour du scrutin.

Les conservateurs vulnérables

Les libéraux croient que les conservateurs sont vulnérables sur deux fronts : l'économie et l'environnement. Même si Statistique Canada a annoncé hier que le pays a évité de peu la récession au dernier trimestre, les libéraux estiment que le gouvernement Harper a mal géré le dossier de l'économie en réduisant les revenus de la TPS et en refusant d'intervenir pour soutenir le secteur manufacturier.

«On ne laissera pas Stephen Harper faire la campagne de peur dont il rêve à la façon du Parti républicain (aux États-Unis)», soutient le stratège du PLC.

«Ces élections permettront de faire le procès de son idéologie conservatrice de droite et de son bilan désastreux, ajoute-t-il. Il a laissé les grandes pétrolières s'enrichir et traiter l'atmosphère comme un dépotoir aux dépens d'une classe moyenne de plus en plus affligée par le coût de la vie et préoccupée par la qualité de notre environnement. On a vu ce film pendant les huit longues années du règne Bush aux États-Unis et la fin n'est pas heureuse.»

Le PCC riposte

Du côté des conservateurs, on entend défendre le bilan du gouvernement et démontrer qu'un vote en faveur de Stéphane Dion est risqué.

«L'enjeu central de la campagne sera de savoir qui va diriger le gouvernement et veiller à l'économie au moment où il y a de plus en plus d'incertitude à l'échelle mondiale et où les prix augmentent, a déclaré hier un proche collaborateur de Stephen Harper. Dion est un risque pour l'économie avec sa taxe sur le carbone mal ficelée. Il est un risque pour l'unité nationale avec ses positions centralisatrices extrêmes. Et il est un risque sur la scène internationale parce qu'il ne peut se faire une idée claire sur les enjeux importants comme l'Afghanistan.»

Déjà en campagne

Chose certaine, les conservateurs sont déjà en campagne électorale, même si le signal de départ n'a pas encore été donné. Cette semaine, M. Harper a passé trois jours dans le Nord afin de faire la promotion de la souveraineté canadienne dans l'Arctique. Le Parti conservateur a aussi lancé hier une nouvelle campagne publicitaire télévisée vantant les réalisations du gouvernement Harper depuis 30 mois. Et M. Harper fera une annonce à saveur économique au milieu de la semaine dans le sud-ouest de l'Ontario avant de se rendre à la résidence de la gouverneure générale, vraisemblablement le dimanche 7 septembre, pour déclencher la campagne électorale. Cela annulera les élections partielles prévues le 8 septembre dans trois circonscriptions, dont deux au Québec.

Rencontre avec Duceppe

M. Harper a rencontré le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, hier au 24, promenade Sussex, pour évaluer s'il est possible de reprendre les travaux parlementaires le 15 septembre au lieu de déclencher des élections. À l'issue de cette rencontre de plus de 30 minutes, M. Duceppe s'est dit convaincu que M. Harper avait déjà arrêté son idée. «J'en conclus, à la suite de cette rencontre, que M. Harper, même s'il pouvait trouver des accommodements, veut absolument aller en élections», a dit M. Duceppe.

Selon Dimitri Soudas, porte-parole du premier ministre, M. Duceppe a profité de la rencontre pour dire à M. Harper que le Bloc québécois n'a aucune confiance envers le gouvernement. «L'objectif de M. Duceppe est de remplacer le gouvernement actuel par un gouvernement libéral dirigé par M. Dion afin qu'il puisse justifier ce qu'il fait à Ottawa depuis 18 ans», a dit M. Soudas.