Le Parti québécois somme Jean Charest de faire toute la lumière sur le controversé passage de Philippe Couillard au privé, alléguant qu'il y a à la fois apparence de conflit d'intérêts et possible infraction à la loi sur le lobbyisme.

En annonçant qu'il se joignait au fonds d'investissements privé en santé Persistence Capital Partners, l'ex-ministre de la Santé, qui a quitté ses fonctions le 25 juin, a admis en entrevue à La Presse avoir eu des rencontres avec ses nouveaux associés alors qu'il était toujours membre du gouvernement.

Réunis en caucus à Bécancour, les péquistes ont réclamé une enquête formelle du commissaire au lobbyisme, qui fait actuellement des vérifications dans le dossier.

«La plus belle preuve en droit c'est l'aveu. M. Couillard a dit directement qu'il avait eu des contacts avec PCP, en restant très évasif sur le contenu de ces rencontres, a souligné le député de Chicoutimi, critique du PQ en matière d'éthique, Stéphane Bédard. PCP n'est pas inscrit au registre des lobbyistes. On est face à une situation où, très clairement, il peut y avoir violation à la loi.»

Mais les troupes de Pauline Marois ne veulent pas en rester là. Ils demandent aussi au premier ministre de clarifier les dernières actions de Philippe Couillard comme ministre de la Santé.

«Alors que M. Couillard était en discussion avec PCP, il a fait adopter deux règlements, le 18 juin et le 25 juin, par le Conseil des ministres, qui sont directement liés à son emploi futur», a expliqué M. Bédard.

«On est devant une situation potentielle de conflit d'intérêts», a-t-il dit, citant l'article 61 de la Loi sur l'Assemblée nationale, qui stipule qu'«un député doit éviter de se placer dans une situation où son intérêt personnel peut influer sur l'exercice de ses fonctions».

Selon le député péquiste, Philippe Couillard aurait dû se retirer et laisser à son successeur le soin de faire adopter ses deux règlements, ou du moins demander un avis au jurisconsulte de l'Assemblée nationale.

«Il n'a pas agi avec prudence. Je trouve cette conduite totalement inadmissible, a conclu M. Bédard. C'est à M. Charest maintenant de répondre.»

Vérification faite, l'ex-ministre de la Santé était bien présent à la table lorsque le gouvernement a réduit de moitié le coût du permis d'exploitation d'une clinique privée, de même que lorsque la liste des 50 nouvelles chirurgies permises dans les centres médicaux spécialisés a été adoptée.

Le jurisconsulte de l'Assemblée nationale, Claude Bisson, a pour sa part confirmé ne pas avoir reçu de demande d'avis et n'avoir jamais été consulté par M. Couillard dans les semaines qui ont précédé son retrait de la politique.

Au cabinet du premier ministre, on rétorque que les deux règlements dont il est question faisaient suite à l'adoption du projet de loi 33, découlant de l'arrêt Chaoulli et qu'ils étaient donc en préparation depuis longtemps. «On n'a pas de raison de croire que M. Couillard a agit en fonction de ses intérêts personnels», a dit Jonathan Trudeau, conseiller aux communications au cabinet de Jean Charest, ajoutant que les deux décrets avaient fait l'objet de nombreuses discussions dans les mois précédant leur adoption, notamment avec le Collège des médecins et la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

M. Trudeau a aussi rappelé que le conseil exécutif avait fait ses propres vérifications, concluant que le passage de M. Couillard chez Persistence Capital Partners respectait la Directive concernant les règles applicables lors de la cessation d'exercice de certaines fonctions pour l'État.

Le Parti québécois réclame que le nouveau ministre de la Santé, Yves Bolduc, mette «des coupe-feux entre lui, son ministère et l'entreprise PCP pour s'assurer que l'intérêt public est protégé et que personne ne vas profiter des informations privilégiées pour servir des intérêts privés», a dit le porte-parole en matière de santé, Bernard Drainville.