Avec cet été en dents de scie qui manque de lumière et de chaleur, les fleurs des champs, comme les petites petits fruits d'ailleurs, ont bien du mal à se rendre à maturité.

C'est sûr qu'à cause de mon expertise d'herboriste, je repère de loin les plantes sauvages et plus particulièrement les fleurs que leurs couleurs font repérer à distance.

Ces dernières années, sans doute à cause du réchauffement climatique et de la «Nina», mais surtout à cause des instruments tranchants des humains «sans dessein», de nombreuses espèces ont disparu de nos champs de vision, friches et terrains vagues.

Comme le faisait remarquer à juste titre, monsieur Bédard dans cette même chronique d'opinions de notre Voix il y a moins de deux semaine: pourquoi faucher systématiquement à ras, tous les bords de route et même des pistes cyclables, au risque d'y éradiquer même des orchidacées rares et protégées comme les habénaires?

Pourtant, elles sont si charmantes et parfumées, et surtout sur le bord des fossés, elles contribuent à étoffer les bandes riveraines et à filtrer les eaux de ruissellement, d'autant plus utiles ces temps-ci avec toute la flotte qui nous tombe dessus et les vilaines algues dans nos eaux. Sur plusieurs autoroutes du Québec d'ailleurs, un "ingénieux" du ministère des Transports a réussi à faire passer l'idée géniale et bon choix économique, de les laisser pousser, bravo!

Achillées, aunées, brunelles, lotiers,mauves, millepertuis, molènes, onagres et trèfles: autant de précieuses fleurs sauvages et toutes des médicinales, décapitées sans vergogne par les employés de la voierie et encore plus systématiquement par les privés eux-mêmes sur leur terrains.

Saviez-vous que cette fichue manie des pelouses-tapis monochromes nous vient des riches colons oisifs anglais aux Indes, qui embauchaient des dizaines d'esclaves hindous pour raser leur vert pour jouer au croquet ou au cricket et surtout pour étaler leur prospérité?

Et que dire des grondements de toutes ces machines bruyantes et polluantes, qui nous gazent même les fins de semaine sur nos balcons?

Dans la plupart des pays européens ou chaque cm2 de terrain vaut son pesant d'euros, les pelouses sont complètement «out». On cultive plutôt des fleurs vivaces, des arbustes à petits fruits ou encore des potagers qui nourrissent, outre la famille, les abeilles, papillons et autres oisillons. Des choix autrement plus utilitaires que des aménagements tape-à-l'oeil qui ne flashent que la première années et où les exotiques transplantées là à grands frais, qui demandent force engrais et pesticides pour survivre péniblement.

Alors que les fleurs citées plus haut et bien d'autres encore, et les fruits des aubépines, épines-vinettes, sureaux et viornes à eux seuls, nous préserveraient de bien des maladies du siècle, et ce gratuitement et gracieusement, chacune en son temps.

Mais non, on préfère s'offrir des annuelles cultivées en serre, qui s'«effoirent» souvent dès qu'on les a transplantées. Pire encore, on contribue, par notre passivité, à subventionner collectivement, les monocultures de maî et soya transgénique et le cochon qui s'en nourrit. Ainsi, à l'année même les fins de semaine, en banlieue de Granby aussi, on peut bénéficier des effluves qui s'en suivent, plutôt que de s'ennivrer gratuitement des délicieuses senteurs des fleurs sauvages... Inconscients que nous sommes, tôt ou tard, il faut souhaiter qu'entre l'inertie et la conformité, notre bon sens si ce n'est nos sens, nous réveilleront juste à temps!

«On ne peut arracher une fleur sans déranger une étoile», écrivait le poète anglais Samuel Thompson.

Anny Schneider, herboriste multisensorielle, Shefford.