Ralph a appris à manier les armes à feu en regardant des films d'action chez lui, à Longueuil. À 14 ans, il a commencé à faire des livraisons pour des membres de son gang, lié aux Bleus. «Fallait pas que j'oublie de porter des gants pour ne pas laisser d'empreintes», raconte le jeune homme sur un ton banal.

Un soir, comme bien des ados, Ralph flâne dans un resto de l'arrondissement Saint-Hubert avec des amis. Il a un canif dans ses poches. «Je ne sortais pas sans arme. Quand tu es dans un gang, tu ne sais jamais quand ta vie peut s'arrêter.» Un de ses amis et lui s'amusent à lancer des frites dans une poubelle. Sauf qu'une frite tombe sur la tête d'un jeune Asiatique, membre d'un gang adverse.

Une bagarre éclate. Ralph sort son canif et assène cinq coups de couteau à l'Asiatique. Sa victime ne gardera pas de séquelles graves. Au lendemain de l'agression, le grand frère de Ralph, aussi membre d'un gang, achète la paix avec le gang du jeune Asiatique. «J'y repense souvent. Si j'avais eu un gun ce soir-là, je l'aurais tué. Puis là, je n'aurais pas juste écopé de travaux communautaires», dit Ralph, qui a aujourd'hui 18 ans.

Son grand frère est son protecteur : d'abord contre leur père, violent et dénigrant, puis dans le gang. Ralph a trempé dans toutes sortes de crimes: proxénétisme, braquage de domicile, vente de drogue et trafic d'armes. Son gang ne cherchait pas le trouble comme les wannabe qui se tiennent au métro Longueuil, raconte-t-il. Il ne voulait surtout pas attirer l'attention de la police. «On évitait de se rencontrer, à moins de devoir se ravitailler en drogue ou de se rejoindre pour une bagarre», ajoute-t-il.

Aujourd'hui, son frère ne le protège plus. Il s'est fait coincer à son tour par la police. Il n'a pas eu la chance de Ralph: comme il était majeur au moment de ses crimes, il a pris la direction de la prison. Ça a ébranlé Ralph, qui prend aujourd'hui ses distances des gangs. Il voudrait mettre sa connaissance du milieu criminel au service du bien. Il pense à entrer dans l'armée ou à devenir policier. Il est bien parti. Il a troqué son allure de gangster pour un polo Lacoste et un pantalon propre. «J'ai juste gardé mon bandeau bleu pour me rappeler mon passé», dit-il. Le gang dans lequel il était, lui, sévit toujours à Longueuil.