On ne juge pas un livre à sa couverture, chantait le regretté Bo Diddley. Ce principe a été illustré une nouvelle fois hier soir, à Chicoutimi, à l'occasion du spectacle de la Psychotropical Orchestra livré sur la rue Racine à l'occasion du Festival international des Rythmes du monde.

Personne, en effet, ne pourrait s'imaginer qu'un type au physique aussi improbable que le chanteur et claviériste Mariano Franco possède un pouvoir d'attraction comme celui qu'il a démontré sur la scène voisine de la cathédrale. Pas très grand, barbu, le crâne involontairement dégarni, cet artiste a l'air d'un comptable plus "straight" que la moyenne. Et pourtant...

En compagnie de ses six complices, il a livré un spectacle qui tient du tour de force. Même s'il faisait encore clair en lever de rideau, le groupe n'a eu besoin que de quelques minutes, le temps d'une chanson, pour montrer qu'il ne ferait pas de prisonniers. Une rythmique d'enfer, des traits de guitare incisifs et quelques pas de danse donnant à penser que Franco est possédé du démon ont suffi pour planter le décor.

Dans le genre intense, on songe à Joe Pesci dans les films de Scorcese, mais en plus sympathique. Cet étrange leader chante le corps penché sur le micro, crachant son texte, prenant la foule à témoin d'on ne sait quelle émotion, quelle forfaiture, avant de se mettre à faire la toupie, les genoux pliés, puis de sauter comme une puce. Veut, veut pas, on finit par céder devant tant de sollicitude.

Question musique, le nom du groupe ne trompe pas sur la marchandise. Ça sonne souvent latino, quoiqu'il laisse une place au rock tendance psychédélique, au funk et à l'électro. Tout cela est malaxé et livré à la puissance 10 par des musiciens au talent indéniable. Sur "Cumbia del dolor", par exemple, la guitare a donné le ton, relayée par les cuivres, puis un orgue un brin décadent. Cette pièce à pentures est celle qui a conduit une majorité de spectateurs à s'activer, presque malgré eux. Pendant une heure, Mariano Franco ne les a plus lâchés.

Le ton était à la fête, ce dont témoignaient éloquemment la trompettiste Justine V.-Fortin et la tromboniste Karine Borden. Elles aussi dansent avec entrain, multipliant les chorégraphies comiques, jouant dos à dos de leur instrument. Quand on pense que l'an dernier, le groupe avait dû se produire dans une petite salle, plutôt que sur une grande scène, en raison d'un violent orage, on se réjouit de constater que justice a été faite. Cette fois-ci fut la bonne.

La Reine à Chicoutimi

"À Montréal, on m'appelle la Reine", a confié Lorraine Klassen au cours du spectacle qu'elle a présenté en fin de soirée, hier, à l'angle des rues Racine et Labrecque. Personne n'a eu besoin d'un dessin pour comprendre, puisqu'il suffit de voir aller cette grande chanteuse pour sentir sa forte présence.

Accompagnée par cinq excellents musiciens et deux danseuses faisant aussi office de choristes, l'artiste originaire d'Afrique du Sud a livré plusieurs titres de son prochain album, qui sortira en septembre. N'étant pas du genre brouillon, elle n'a pas hésité à interrompre une interprétation qui était trop mal partie à son goût. Et sur les autres pièces, c'est sa voix au grain prononcé, forte et souple à la fois, qui a dominé les arrangements d'une tête.

L'une des plus belles chansons fut une reprise d'un succès de Miriam Makeba vieux de plus de 40 ans. Plus rock que les autres, il s'est mis en marche avec une lenteur mesurée, l'artiste prenant le temps de moduler, de concert avec ses musiciens, avant de gagner en intensité. Quelques minutes plus tôt, une ballade aux accents jazz a permis d'apprécier la délicatesse dont Lorraine Klaasen peut faire preuve quand les circonstances le commandent.

Ce qui a ressorti, au final, c'est toutefois le caractère dansant des interprétations, la joie qu'elles dégagent. Un titre offert avec la participation d'un musicien de l'émission "Belle et Bum", ainsi que le chanteur Stefie Shock, l'a bien démontré: la Reine n'a pas fini d'envoûter son Royaume.