L'été capricieux semble justifier le récent déferlement de reportages sur la météo. Mais, beau temps, mauvais temps, les Québécois n'en finissent pas de commenter les moindres soubresauts de Dame Nature.

Des données d'Influence Communication révèlent qu'au cours des six premiers mois de l'année, 5,44% de toutes les nouvelles parues au Québec ont porté sur la météo. Et c'était avant que la pluie ne vienne jouer les trouble-fête et ne prolonge sans doute cette tendance.

Cette proportion est qualifiée d'«énorme» par le directeur de la firme, Jean-François Dumas: «Une grosse nouvelle occupe en général 1% de l'espace médiatique pendant une semaine. Or, une tempête qui s'est produite en mars dernier a occupé à elle seule 3,22% de tout cet espace!» s'étonne-t-il.

>>Rendez hommage à la pluie sur le blogue de l'édito.

Le rude hiver est le suspect tout désigné pour justifier cette prolifération de nouvelles, mais il semble qu'il y ait plus: «Nous avons établi une comparaison avec 120 pays. On s'est aperçus que les Canadiens anglais consommaient moins de nouvelles météo que la moyenne, alors que les Québécois en consommaient plus», remarque M. Dumas.

Le climat éminemment variable du nord de l'Amérique n'expliquerait donc pas à lui seul l'appétit des Québécois pour l'information sur la météo.

Selon M. Dumas, la place royale accordée aux aléas de Dame Nature serait aussi attribuable à un phénomène de polarisation unique aux médias québécois, qui les amène plus qu'ailleurs à s'attarder à certains sujets: «La concurrence est tellement féroce ici que tout le monde embarque à fond dans un sujet, de peur de manquer le bateau.»

Pas que les médias

Mais, au-delà de cet engouement, on peut se demander s'il n'y a pas un «gène» québécois de la météo que les médias s'attachent avant tout à satisfaire.

Spécialiste du marketing à HEC Montréal, Normand Turgeon penche pour cette hypothèse: «Nous sommes des descendants d'agriculteurs pour qui le temps qu'il faisait était vital. Ici, la météo est un phénomène culturel.»

«Aux États-Unis, on fait connaissance en se demandant comment ça va. Ici, on dit qu'il fait beau», remarque-t-il.

L'anthropologue Bernard Arcand, auteur du livre Abolissons l'hiver, partage en partie cette opinion: «On aime se plaindre; on a un côté parleur au Québec, et la météo est extrêmement pratique pour cela. C'est le roman parfait: on ne sait jamais comment ça va finir.»

Pour M. Arcand, les Québécois sont encore plus sensibles au temps depuis qu'ils ont acquis la conviction d'avoir «vaincu la météo»: «On veut vivre à Montréal comme dans une ville du Sud, et on est surpris dès qu'un événement climatique nous en empêche.»

M. Arcand reconnaît quand même une météo «particulièrement spectaculaire» au Québec. Il donne l'exemple d'une ville en Colombie où, à l'aéroport, la température qu'il fait, 27 degrés, est peinte sur un mur: «Là-bas, ils ne parlent jamais de météo!»