Depuis lundi dernier, les patients de l'hôpital de réadaptation Lindsay de Montréal sont privés du pichet d'eau glacée que les préposés mettaient chaque jour à leur disposition. En plein été, alors que la température dépasse allègrement les 20° tous les jours, cette décision inusitée suscite la colère de plusieurs patients.

En moins d'une semaine, Diane Dupuis a englouti plus d'une quarantaine de dollars dans la machine distributrice de l'hôpital Lindsay : cinq ou six fois par jour, elle ouvre son portefeuille et en tire quelques pièces de monnaie pour s'acheter une bouteille d'eau glacée.

«L'eau du robinet est chaude, même quand on la laisse couler longtemps», explique-t-elle. D'où ces achats répétés depuis qu'on la prive de son pichet rempli de glaçons. «C'est beaucoup d'argent, mais je n'ai pas le choix, sinon l'eau a mauvais goût, et moi, j'ai soif.»

Et encore, Diane Dupuis, qui se déplace en fauteuil roulant, considère qu'elle n'est pas des plus à plaindre. Plusieurs patients de l'hôpital Lindsay ont eu un grave accident ou ont subi une opération importante, et la plupart ont du mal à se déplacer seuls. «Plusieurs ont du mal à marcher et même à sortir de leur lit. Eux, ils sont vraiment mal pris», dit-elle.

Ce sont des raisons de sécurité qui ont incité l'hôpital Lindsay à adopter cette mesure controversée. Le comité de prévention des infections a déterminé que la glace fournie par les distributeurs pouvait contribuer à transmettre certaines maladies infectieuses. «Même le pichet, s'il est laissé là trop longtemps et s'il n'est pas lavé assez souvent, peut être à l'origine d'infections, et nous voulons éliminer tous les risques potentiels de maladie», a indiqué hier Réjean Plante, directeur général de l'établissement.

Le personnel de l'hôpital met à la disposition de la centaine de patients des gobelets en papier qu'ils peuvent remplir au robinet de leur chambre ou à une fontaine réfrigérée, dans le corridor. La qualité de l'eau du robinet n'est pas en cause. «Cela ne devrait pas limiter la consommation d'eau des patients. S'ils ont besoin d'eau et ne peuvent pas se rendre au robinet, ils n'ont qu'à en demander au personnel», a affirmé M. Plante, qui ajoute que cette directive pourrait même favoriser le rétablissement de certains patients. «Cela va encourager leur mobilité s'ils doivent se déplacer.»

Quelques-uns d'entre eux, rencontrés hier par La Presse, ont d'ailleurs salué l'initiative. «Je suis 100% d'accord. Il y a trop de bactéries dans les hôpitaux, je suis plus rassurée comme cela», a dit Pauline Dubuc Ménard, qui lave et désinfecte chaque soir la petite bouteille qu'elle a achetée pour remplacer le pichet.

Une infirmière a toutefois confié à La Presse que les patients ont été très nombreux à se plaindre depuis le début de la semaine. «Plusieurs ne tiennent pas sur leurs jambes. Bien sûr qu'ils peuvent nous appeler, mais ce n'est pas la même chose. Ils perdent un peu de leur autonomie s'ils ont toujours besoin de nous», déplore-t-elle.

Le ministère de la Santé et l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal se sont dits étonnés des mesures adoptées à l'hôpital Lindsay. On assure qu'aucune directive n'a été émise en ce sens.

Hier, Réjean Plante s'est d'ailleurs dit prêt à réévaluer cette disposition dès demain, compte tenu du nombre de plaintes qui auront été reçues.